Mélenchon aime la Callas, Marine Le Pen est plutôt Dalida: est-ce que ça compte pour les électeurs?

Tout au long de la campagne, les candidats à la présidentielle ont dévoilé leur personnalité. Ainsi, on a appris que Jean-Luc Mélenchon avait une passion pour la salade de quinoa et qu'Emmanuel Macron est un fan de Johnny. Si cela n'a pas d'influence directe sur le vote des électeurs, Jamil Dakhlia, chercheur et auteur de Politique People, estime que cela peut faire basculer certains électeurs, plus volatils qu'avant.

Jamil Dakhlia est enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication, il est l'auteur de Politique people (ed. Bréal):

"Le dévoilement de la personnalité d'un candidat fait partie des éléments pour un citoyen pour se forger un jugement sur l'homme ou la femme politique. La personnalité des candidats est un des facteurs pris en compte par les électeurs, c'est indéniable. Ce qu'on ne sait pas, c'est avec quelle ampleur ça influence leurs votes.

On a tendance à dire que ce paramètre influence davantage les électeurs qu'autrefois car les clivages politiques, et notamment la bipolarité gauche-droite, la fidélité à un parti ne sont plus aussi forts. Aujourd'hui, les électeurs sont plus volatils. Ils le disent dans les enquêtes: ils votent pour une personnalité plus que pour un programme ou des idées. Il paraît donc assez logique que les candidats soignent la présentation de leur personnalité.

Sans préjuger de l'impact que ça peut avoir sur les électeurs, c'est à travers ces détails sur leurs vies personnelles qu'ils lancent des appels en direction de tel ou tel segment de la population. Quand Marine Le Pen parle de Dalida, elle affiche des goûts populaires donc c'est pour toucher un public populaire dont on dit que c'est son public privilégié. Et quand c'est Mélenchon qui parle de la Callas, c'est aussi d'une certaine façon pour se distinguer de Marine Le Pen. C'est son côté 'institution de la IIIe République', qui croit en la démocratisation culturelle et dans le fait qu'il faut élever la population vers la culture avec un grand C.

"Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont beaucoup trusté le terrain de l'auto-peopolisation"

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont beaucoup trusté le terrain de l'auto-peopolisation durant cette campagne présidentielle. Jean-Luc Mélenchon a aussi donné la recette de sa salade au quinoa, Marine Le Pen a parlé de ses chats, mais il y a toujours un message politique derrière. On a l'impression que c'est superficiel, mais derrière le quinoa il y a un discours écolo et bobo et Marine Le Pen avec ses chats, c'est pour jouer sur la fibre sensible. Il y a toujours un enjeu.

Aujourd'hui, ça semble plus important mais beaucoup d'analyses se contredisent à ce sujet: il y a des chercheurs qui pensent que le vote est rationnel et d'autres qui pensent qu'il y a une grande part d'irrationalité. La vérité est sans doute entre les deux. Ces détails sont anecdotiques si on les prend isolément, mais ils composent un portrait par petites touches des candidats qui peuvent plaire - ou non - aux électeurs".

Propos recueillis par Paulina Benavente