"Des guignols", "un supplice": la colère des maires ruraux contre "Paris" et l'instabilité politique

"On n’a pas les clés pour faire cet exercice." Le constat est amer pour Christophe Bouillon, maire (divers gauche) de Barentin (Seine-Maritime) et président de l’association Petites Villes de France.
À quelques mois des élections municipales, ce dernier déplore ce dimanche au micro de RMC un climat d’exaspération généralisé : "On ne sait pas aujourd’hui quelles vont être les dotations de l’État. On ne connaît pas les règles du jeu. On a l’impression qu’aucun arbitrage n’est fait. C’est un vrai supplice qu’on nous fait subir, et on doit pourtant apporter des réponses à nos administrés", dit-il en référence à l'instabilité politique qui perdure depuis plusieurs mois.
Le maire de Barentin résume la situation d’une phrase : "On est l’airbag de la République, mais il commence à se dégonfler." Fatigue, colère, impatience… "Un tiers des maires ne veulent pas se représenter, ce n’est pas une bonne nouvelle, poursuit-il. Beaucoup sont motivés, prêts à continuer, mais ils se disent : ce n’est plus possible dans ces conditions."
Des projets reportés, des budgets étranglés
À Laigneville, dans l’Oise, Christophe Dietrich (divers droite) ne mâche pas ses mots: "C’est un théâtre de guignols. Pendant qu’eux font de la politique politicienne, nous, on est là tous les jours auprès de nos administrés pour régler leurs problèmes du quotidien : ceux qui n’arrivent pas à payer leurs factures, qui n’arrivent pas à bouffer. À Paris, ils n’ont aucune idée de comment on fait fonctionner une commune", assène-t-il.
Même son de cloche à Lampertheim (Bas-Rhin), où Murielle Fabre (divers droite) a dû reporter la construction d’un centre sportif et culturel : "Il est impossible de faire un investissement conséquent sans stabilité budgétaire", explique-t-elle.
Dans la Nièvre, Gilles Noël, maire divers gauche de Varzy, a lui aussi renoncé à un projet de salle des fêtes: "On prend en miroir cette anxiété. Tout le monde serre les fesses. On a renégocié nos assurances, limité le temps de l’éclairage public, on fait des efforts", raconte-t-il.
"On est le guichet unique des institutions", résume Christophe Bouillon. "La cote d’amour des maires reste élevée, les enquêtes le montrent, mais jusqu’à quand ?" s’interroge l'édile.
Une fracture territoriale qui s’accentue
Ce malaise des territoires ruraux s’inscrit dans un contexte plus large de tensions budgétaires entre l’État et les collectivités. Du côté des grandes villes, l’association France urbaine dénonce également un déséquilibre dans le projet de loi de finances 2026, jugé "injuste et hyper concentré sur les villes". Mais dans les campagnes, le sentiment est tout autre : celui d’une invisibilité croissante