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Les candidats aiment la campagne, pas les paysans !

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC.

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Les candidats défilent au Salon de l'agriculture. Nicolas Sarkozy l'a inauguré ce week-end, François Bayrou y était hier dimanche, François Hollande y passera demain... Tous se revendiquent les défenseurs du monde agricole. Hypocrisie, selon moi...

Dur métier que celui d'être candidat : il faut savoir forcer sa nature (c'est le cas de le dire) quand il s'agit d'aller chanter l'espoir et la solidarité avec une profession qui ne compte plus guère qu'au moment des élections, mais qui représente encore, dans l'imaginaire français, l'attachement à la terre et aux traditions. La réalité, c'est que l'air de la campagne que nos présidentiables aiment respirer à pleins poumons, ce n'est pas celui du purin et des fromages, c'est celui des bulletins de vote. Le poids réel des paysans dans la société diminue d'année en année, à proportion du nombre d'exploitations agricoles, mais le pèlerinage au salon reste une figure imposée. De Gaulle a dit : "Les Français sont des veaux." Les candidats ont tendance à les considérer comme un troupeau.

Mais qu'est-ce qui justifie cette "figure imposée", si l'agriculture a perdu son influence ?

D'abord, le marketing qui formate les campagnes. Aussi minoritaires soient-ils, les agriculteurs forment un segment électoral - 3 millions d'électeurs : ce n'est négligeable pour aucun candidat. D'où, après la séquence des candidats dans les usines, la semaine des défilés au milieu des vaches. En attendant les chercheurs, les profs, les médecins... L'autre facteur, c'est la symbolique : la tradition veut que le président soit issu du terroir, qu'il ait de la boue à ses souliers. Jacques Chirac, qui était le prototype du faux provincial, a énormément contribué à ce cliché. Résultat : François Bayrou se présente en exploitant, parce qu'il élève des pur-sang ; François Hollande insiste sur sa ruralité corrézienne factice et Marine Le Pen joue les paysannes (le parc de Montretout n'a pourtant rien d'un pâturage...) Quant à Nicolas Sarkozy, il adore la charcuterie, mais le Salon de l'agriculture ne lui porte pas chance : en 2008, c'est là qu'il avait lancé son fameux "casse-toi, pauv'con" qui lui a coûté si cher en image...

Il n'empêche que c'est lui, Nicolas Sarkozy, qui semble le plus populaire chez les agriculteurs, d'après un sondage publié ce week-end...

Oui : 40 % d'intentions de vote pour lui chez les paysans, contre 17 % à Marine Le Pen, 16 % à François Bayrou et 14 % à François Hollande. On sait que le vote agricole est toujours plutôt conservateur, mais Nicolas Sarkozy peut aussi y voir une indication intéressante : c'est l'un des secteurs qui souffrent le plus cruellement de la mondialisation, mais aussi celui qui a le plus besoin de l'Europe (la Pac reste la seule vraie politique fédérale au niveau européen) et qui en même temps produit de l'excédent commercial grâce aux exportations de produits agricoles. S'il reste le candidat préféré des paysans, c'est peut-être que beaucoup d'entre eux jugent que son volontarisme les a protégés - et si c'est le cas, il le doit sûrement à Bruno Le Maire, le meilleur ministre de l'Agriculture depuis longtemps.

Le PS et l'UMP s'accusent mutuellement dans des tracts diffusés ces jours-ci de brader les intérêts des agriculteurs. Ils ont raison ?

Le tract n'est pas l'expression la plus élaborée de la pensée politique, on le sait bien. En gros, celui du PS reproche à Nicolas Sarkozy la hausse du cours du blé et celui de l'UMP dit que les socialistes veulent la mort de l'agriculture pour complaire à leurs alliés écologistes. À trop vouloir se montrer proches de la terre, les candidats finissent par voler en rase-mottes.

Ecoutez ci-dessous le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce lundi 27 février 2012 :

Hervé Gattegno