Sarkozy et le redoublement au CP: "c'est complètement démagogique, il ne connaît pas son sujet"

Lors du second débat de la primaire jeudi, Nicolas Sarkozy a assuré que s'il était élu président, il ne serait pas question qu'un élève quitte le CP sans savoir lire ni écrire. Une proposition "complètement démagogique", selon un instituteur de CP joint par RMC.fr.

Kévin a 29 ans. S'il est aujourd'hui instituteur de CM2, il a eu ses dernières années des postes en CP. Il officie en Loire-Atlantique.

"C'est vrai qu'aujourd'hui on fait très rarement redoubler, pour des cas de maladies graves par exemple. On ne fait plus redoubler pour des difficultés scolaires, même si on se pose la question pour deux ou trois élèves chaque année dans mon école, qui est d'un bon niveau. On a constaté que c'était inutile. Souvent des élèves qui redoublent au CP ne deviennent pas forcément ensuite des bons élèves. Au final on lui fait perdre un an pour une efficacité limitée.

Ce n'est pas dramatique de ne pas faire redoubler un élève de CP, et je ne suis pas sûr qu'un retour du redoublement pour des difficultés de lecture règle le problème de l'échec scolaire.

L'acquisition de la lecture est un processus long - ça commence dès la maternelle avec des acquisitions langagières -, qui se poursuit tout au long de la scolarité primaire. Maintenant on a étendu l'apprentissage de la lecture jusqu'au CE2: on considère que l'apprentissage de la lecture se fait sur trois ans, du CP au CE2. Donc un élève qui a des difficultés en CP, il lui reste encore deux ans pour devenir lecteur. J'ai déjà vu des élèves avec des difficultés en fin de CP et qui finissaient par lire en début de CE1. On se disait alors qu'on avait bien fait de ne pas les faire redoubler. On voit aussi que les élèves nés en fin d'année ont plus de mal en fin de CP avec la lecture mais rattrapent très vite leur retard en CE1.

"Les élèves ont trois ans, du CP au CE2, pour apprendre à lire"

Pour moi la proposition de Nicolas Sarkozy est complètement démagogique. C'est la preuve qu'il ne connaît pas son sujet concernant l'école. Il touche en fait à cette idée ancrée dans la tête des parents d'élèves, qui est qu'on apprend à lire uniquement au CP et que si on ne sait pas lire à la fin du CP, c'est fini. Sa proposition est donc une méconnaissance de ce qu'est l'apprentissage de la lecture. Je rappelle en plus que M. Sarkozy a supprimé durant son quinquennat beaucoup de postes de Rased (Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), qui nous aident à juger des difficultés des élèves. Par contre, l'idée de François Fillon de rendre obligatoire l'école dès cinq ans (contre six actuellement), pour pouvoir préparer l'apprentissage de la lecture dès cet âge, ça me paraît plus cohérent.

Il y a des chiffres en effet qui montrent qu'il y a une baisse du niveau global. Pour ma part je pense que si on veut agir sur la lecture, cela se joue bien en amont, dès la maternelle. L'enjeu de la progression des élèves se joue dès deux ans, c'est à cet âge que se met en place l'acquisition du langage. Aujourd'hui en France, on donne bien plus de moyens pour le collège que pour la maternelle. Il faudrait faire l'inverse et mettre le paquet sur la maternelle et la petite enfance. En maternelle, ce n'est que quand on atteint 33 élèves que l'on ouvre une nouvelle classe. Or, il faudrait être 16 par classe et là on pourrait lutter efficacement contre les inégalités".

Propos recueillis par Philippe Gril