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Mariage gay: le train de retard des députés

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi.

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -

L’Assemblée nationale a rejeté, hier mardi, la proposition de loi du député PS Patrick Bloche sur le mariage homosexuel. Ce n’est pas une surprise mais au contraire le signe que les politiques restent nettement en retard sur la société.

Ça ne sert pas à grand-chose, aujourd’hui, d’être pour ou contre le mariage des homosexuels. C’est déjà une réalité humaine, sociale, même si ce n’est pas – pas encore – une réalité juridique. Même ceux qui n’en connaissent pas savent qu’il existe en France de nombreux couples homosexuels qui vivent sans se cacher et que, fort heureusement, la discrimination est en recul. Tous les homosexuels ne revendiquent pas le droit au mariage, mais je ne vois pas d’argument convaincant pour s’y opposer. En fait, c’est typiquement le genre de sujets sur lesquels les mentalités évoluent plus vite dans la population que chez ses représentants.

Le mariage homosexuel sera de toute façon légalisé un jour ?

C’est l’évidence. C’est déjà le cas dans dix pays au monde – dont la Belgique, l’Espagne, le Portugal, la Suède et cinq états américains. Et on sait bien que les réticences qui subsistent tiennent en grande part aux racines chrétiennes de nos sociétés – ce qui veut dire qu’elles s’effaceront un jour. Rappelez-vous la loi Veil sur l’avortement : elle a suscité des affrontements d’une violence inouïe à l’époque (1974) mais plus personne ne songe sérieusement à y revenir. Idem pour la peine de mort. Plus près de notre sujet, le pacs a été créé dans la tension et dans la polémique en 1999 par Lionel Jospin : aujourd’hui, même la droite admet qu’il est utile. C’est même parce que le pacs ne va pas assez loin que la question du mariage gay revient à la surface !

Justement, les adversaires du texte estiment qu’on ne peut pas réduire le droit au mariage à des questions d’argent, de retraite et de patrimoine ?

Je ne vois pas pourquoi le mariage d’intérêt serait réservé aux hétéros ! Sérieusement, il est vrai que les homosexuels sont désavantagés sur les questions de pensions et de patrimoine – et aussi de garde des enfants, car beaucoup de couples homos élèvent des enfants. Là aussi, la réalité a balayé le modèle de la famille classique, que brandissent facilement les adversaires du mariage gay : un mariage sur trois se termine par un divorce ; plus de la moitié des enfants nés en France naissent hors mariage ; et on compte 20% de familles monoparentales. Qu’est-ce qui permet de soutenir que des enfants seraient forcément moins bien élevés, moins aimés par un couple de parents du même sexe ? A mon avis, rien.

Le vote d’hier a été plus serré que prévu (293 contre 222). Quelle conclusion faut-il en tirer ?

Que sur ces sujets dits « de société », les clivages ne se résument pas toujours à l’opposition gauche-droite. C’est aussi le cas sur l’euthanasie, la laïcité, la bioéthique. Et peut-être demain sur le nucléaire ou la légalisation du cannabis. On peut donc se demander si le conservatisme du Parlement reflète bien les évolutions de l’opinion sur des questions qui touchent directement à la vie des Français. Le référendum d’initiative populaire serait sûrement une meilleure solution – comme en Italie. Notre constitution le prévoit – et Nicolas Sarkozy l’avait promis –, mais la loi organique qui le permettrait n’a jamais été votée. Sur ce point aussi, nos politiques ont plusieurs trains de retard.

Ecoutez «le parti pris» de ce Mercredi 15 juin 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :

Hervé Gattegno