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Faut-il faire payer les rendez-vous médicaux non honorés?

Chaque semaine, un médecin perd, en moyenne, deux heures de son temps en raison des rendez-vous médicaux non honorés. L'Ordre des médecins et l'Académie de médecine demandent aux pouvoirs publics de "responsabiliser les patients"

27 millions de consultations non honorées chaque année par les patients, soit 6 à 10 % des patients ne se présentent pas à leur rendez-vous. Un chiffre colossal qui a une application très concrète pour les professionnels de santé: cela veut dire qu'un médecin perd deux heures de consultation chaque semaine, l'équivalent de 16 jours de travail par an et deux ans et demi dans une carrière.

Toutes les spécialités sont concernées par ces "lapins": ce n'est pas seulement l'apanage de la médecine générale, et toutes les régions le sont également, y compris dans les déserts médicaux où les créneaux de rendez-vous sont rares et précieux.

Un problème de santé publique

Dans un communiqué commun, l'Ordre des médecins et l'Académie de médecine tirent la sonnette d'alarme: c'est un problème de santé publique aux nombreuses conséquences. Perte de temps et d'argent aux praticiens, perte de chance pour les patients qui ont besoin de consulter et qui n'ont pas pu obtenir un rendez-vous qui se replient bien souvent sur les urgences déjà débordées.

Sans qu'on comprenne vraiment pourquoi, le phénomène s'aggrave ces dernières années. Plusieurs hypothèses sont avancées par les médecins: il y a bien sur le potentiel oubli et le contretemps de dernière minute, mais cela n'explique pas tout.

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Une compensation financière?

Selon le Conseil de l'ordre et l'Académie de médecine, il y a une "déconsidération de l'acte médical considéré comme un bien de consommation". Pour preuve, ils citent certains patients qui prennent des rendez-vous en double. L'étude donne aussi le profil type de ces poseurs de lapin: il s'agit de patients plutôt jeunes, pas suivis par le cabinet, qui ont pris rendez-vous en ligne et qui consultent pour un motif bénin et aigu.

L'ordre des médecins et l'Académie de médecine demandent aux pouvoirs publics de se saisir du problème et réclament une campagne de sensibilisation du grand public, la possibilité de refuser ceux qui récidivent et proposent de frapper les patients au portefeuille en imposant une dissuasion financière qui pourrait prendre plusieurs formes: soit une facture à payer éditée par le médecin soit une retenue sur le montant des futurs remboursements par l'assurance maladie.

"Pénaliser les patients qui abusent"

Invité de la Matinale Week-End de RMC, le médecin généraliste et Grande Gueule Jérôme Marty a plaidé pour cette solution de la compensation financière. Lors d'un premier rapport en 2018, il avait émis l'hypothèse d'une contribution symbolique de cinq euros "qui aille à un fond pour les problématiques d'accès au soin et les déserts médicaux".

Sauf que le médecin voit "le problème s'aggraver" : "On se rend compte que certains confrères ont quatre, cinq, six rendez-vous non honorés par jour et c'est une perte financière pour eux. Il faut qu'ils soient indemnisés", explique le médecin.

"C'est 4.000 médecins sortis du soin, tous les jours", note Jérôme Marty

Le président de l'UFMLS a plusieurs idées pour enrayer cette mode: " avoir un système de préréservation ou une ponction par l'Assurance maladie sur l'acte suivant." Mais avant de mettre en place un tel système, il faut un changement de législation. En effet, le Code de santé publiuqe prévoit qu'il faut réaliser un acte pour le facture. De plus, le médecin note qu'il faut trouver, pour le professionnel de santé, un moyen de prouver qu'un rendez-vous n'a pas été honoré. Pour cela, il s'en réfère au gouvernement, qui semble "à l'écoute":

"Ils travaillent sur une campagne de santé publique mais iça ne suffira pas. Il faut avoir le moyen de pénaliser les patients qui abusent", conclut-il.
Margaux Bourdin et Maxime Martinez