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Santé

Les médecins sont-ils insensibles? "On soigne de mieux en mieux mais on s'est éloigné du patient"

Avec les progrès techniques de la médecine, le corps médical se serait éloigné des patients.

Avec les progrès techniques de la médecine, le corps médical se serait éloigné des patients. - CHU Toulouse - AFP

Dans son livre Les brutes en blanc, le Dr Martin Winckler dénonce la déshumanisation du corps médical dans sa relation avec les patients. Un constat que partage le Dr Rachel Bocher, psychiatre et présidente de l'Intersyndicat national de praticiens hospitaliers. Elle met notamment en cause les progrès techniques de la médecine, qui ont éloigné les praticiens de leurs patients.

Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national de praticiens hospitaliers, chef de service de psychiatrie au CHU de Nantes.

"Les médecins ne sont pas des hommes parfaits. Pour moi ce sont des colosses aux pieds d'argile. C'est une conséquence des progrès de la médecine. Plus la médecine s'est technicisée et plus les gens ont eu l'impression qu'on était devenus des dieux. Il faut reconnaître qu'on n'est pas des dieux. Et plus les médecins apprennent en technicité, plus ils perdent en humanité. Quand on fait des opérations à cœur ouvert, des chirurgies qui requièrent une grande technique, on est tellement centré sur l'objet malade qu'on peut laisser de côté le malade lui-même.

C'est un paradoxe de la médecine, parce qu'on soigne de mieux en mieux mais on s'est éloigné du patient. Même dans ma spécialité, ça arrive qu'on reçoive l'entourage entre deux portes et qu'on annonce des maladies graves. C'est l'évolution de la médecine qui est dangereuse, on ne doit pas devenir des garagistes. Il faut une prise en charge globale de la maladie et du patient.

"Une course à la performance"

Il y a quelques années, j'ai participé à ce qu'on appelle des groupes Balint, des groupes sur des cas cliniques de patients. On se retrouvait avec plusieurs praticiens sur le cas d'un patient, on montait une consultation sur la douleur chronique du patient. Chacun dans sa spécialité donnait ses pistes, on parlait de sa pathologie et on parlait du patient. Mais aujourd'hui on est sur une course à la performance, on ne prend plus le temps de parler aux malades, ni de parler des malades entre praticiens.

Dans les études de médecine, il y a bien des cours pour annoncer la maladie grave, mais pas assez. Il y a besoin de ces formations et on a besoin d'y revenir dans des séminaires et en formation continue au cours de la carrière. Il faut revenir sur l'importance de la relation avec le patient car la médecine est globale, la médecine doit être humaine."

Propos recueillis par C. B