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Refus de soins à des patients à la CMU: "certains médecins l’affichent dans leur salle d’attente"

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Le Conseil de l'Ordre des médecins a annoncé sa volonté de porter plainte contre les médecins pratiquant le refus de soins aux patients bénéficiant de la CMU-C ou de l’Aide médicale aux étrangers (AME). Une bonne nouvelle pour Sylvain Fernadez-Curiel, chargé de mission santé au Collectif interassociatif sur la santé, qui dénonce depuis longtemps cette pratique.

Sylvain Fernadez-Curiel, chargé de mission santé au Collectif interassociatif sur la santé.

"Que l’Ordre des médecins s’en saisissent, c’est satisfaisant. Ça aurait été étonnant qu’ils ne le fassent pas d’ailleurs. Les preuves sont assez éloquentes et les discriminations très graves. D’habitude, le problème avec les refus de soins, c’est toujours d’apporter la preuve. Sur des sites comme Doctolib, c’était affiché au grand jour sur internet. Certains l’affichent dans leur salle d’attente, et dans ce cas-là, on demande au patient de prendre des photos. Mais la plupart des médecins qui refusent sont un peu plus 'subtils' que ça.

Depuis longtemps, on réclame la possibilité de faire des testings. C’est passé dans certains projets de loi, mais ça a toujours été supprimé par les parlementaires ensuite au cours de l’examen. A l’Ordre des médecins, il semble y avoir une envie de prendre le problème à bras-le-corps. Evidemment, les médecins en général sont très opposés aux testings. Ils disent qu’ils ne sont pas des boites de nuit. Mais en même temps, pour prouver l’existence des refus, c’est une solution qui apparaît efficace.

A chaque fois qu’on en fait, les associations voire le Fonds CMU, on est autour de 20% de refus de soins. Ce sont plus souvent les médecins de secteur 2, qui peuvent faire des dépassements d’honoraires, qui ont ce type de pratiques. En effet, ces derniers, quand ils reçoivent un patient bénéficiaire de le CMU-c, ils ne peuvent pas lui appliquer ce dépassement d’honoraire. Donc certains ont tendance à refuser ces patients-là. Il y a auss des refus de soin disons… sociologiques. Ils ne veulent pas de ce type de patient dans leur salle d’attente. C’est une minorité parmi la minorité qui refuse, mais ça existe.

Les personnes qui font face à ces refus, et il y en a quand même pas mal, elles ne portent pas plainte. D’abord, elles ne s’aperçoivent pas toujours qu’elles font face à un refus. Une personne à la CMU-c ou à l’AME s’entend dire ‘pour vous ce n’est pas possible ici, allez à l’hôpital’. Ou alors, on lui répond ‘désolé, je n’ai pas de place avant six mois’. Et quand vous rappelez cinq minutes après, sans CMU-c, il y a de la place pour le lendemain.

"Les médecins qui refusent avancent le fait que les délais de remboursement peuvent être plus longs"

La plupart du temps, les personne en situation de précarité à qui on oppose un refus de soin estiment que se plaindre à l’Ordre n’est pas efficace: elles y voient des confrères qui se jugent entre eux, et estiment que leur plainte ne sera pas prise au sérieux. Et surtout, leur priorité c’est d’être soignés. Ils concentrent donc leur énergie sur la recherche du professionnel qui acceptera de les recevoir et pas sur la lutte contre la discrimination qu’ils ont subie.

Les médecins qui refusent avancent le fait que les délais de remboursement peuvent être plus longs. Pour l’AME, il y aurait des difficultés, mais pour la CMU, les choses roulent. S’ils le disent… Il y a quand même 80% des médecins qui ne refusent pas. Et puis il y a le code de déontologie qui dit de recevoir tout le monde. C’est vrai qu’il y a assez peu de dossiers qui remontent jusqu’à l’Ordre. Mais cela existe dans une proportion bien plus importante".

Propos recueillis par Antoine Maes