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INFO RMC. Ouverture à la concurrence des bus: les 4 millions d’euros de Valérie Pécresse pour éviter les grèves à la RATP

Valérie Pécresse

Valérie Pécresse - AFP

D’après nos informations, Ile-de-France Mobilités veut recruter un cabinet de conseil pour l’aider à passer sans heurts le cap de l’ouverture à la concurrence.

L’appel d’offres publié par Ile-de-France Mobilités (IDFM) le 24 mai sur le bulletin officiel semble technique, mais pour ceux qui savent lire ce document déterré par RMC et Reporterre, il révèle la difficulté de l’ouverture à la concurrence des lignes de bus de la RATP. Un sujet “extrêmement sensible et même explosif”, juge l’ancien responsable du syndicat UNSA Thierry Marty.

“Je comprends qu’Ile-de-France Mobilités n’ait pas les compétences en interne pour gérer un tel sujet et souhaite se faire accompagner par des spécialistes”, ajoute ce syndicaliste aujourd’hui à la retraite.

L’organisateur des transports francilien, présidé par Valérie Pécresse, met 4 millions d’euros sur la table pour qu’un cabinet de conseil l’aide à suivre l'exécution des contrats déjà existants pour les 1.100 lignes de bus de grande couronne, ouvertes à la concurrence depuis 2021.

Mais le cabinet recruté devra surtout analyser les propositions des concurrents de la RATP concernant les conditions de travail et les salaires des agents pour les 315 lignes de Paris et de la petite couronne. Ce processus de libéralisation doit s’ouvrir fin 2026, après avoir été repoussé de deux ans par crainte de grèves pendant les Jeux olympiques.

“Il faut persuader les conducteurs de bus qu’on va les chouchouter”

Au centre des enjeux, le sort des 16.000 agents RATP qui seront susceptibles d’être transférés à la concurrence, en particulier les conducteurs de bus. “Les salariés ont peur de changer d’entreprise, car ils craignent de perdre leurs avantages, et ça se traduit par des grèves et des vagues de démission lors des changements d’opérateur”, constate Patricia Pérennes, économiste des transports et consultante au cabinet Transmissions.

Dans les Yvelines, l’arrivée de Transdev en début d’année a ainsi généré de grosses perturbations. Des dizaines de conducteurs ont subitement démissionné, obligeant des maires de petites communes à assurer la navette avec leur voiture personnelle.

“Le cabinet recruté devra conseiller IDFM sur les conditions de travail nécessaires pour rassurer les agents RATP, poursuit l’experte. Il faut les persuader qu’on va les chouchouter, étant donné la pénurie actuelle de conducteurs.”

“On est chez les Shadoks”

Cet appel d’offres n’est pas du goût des syndicats, opposés depuis le début à la mise en concurrence. Jean-Christophe Delprat, secrétaire fédéral RATP chez Force ouvrière, estime “dégueulasse qu’on prenne 4 millions d’euros des Franciliens pour aller gaver des cabinets de conseil": "Il y a déjà des discussions entre les syndicats et toutes les entreprises susceptibles de candidater. Je ne vois pas la plus-value".

Le montant du contrat est à relativiser au regard des dépenses de fonctionnement de la RATP, environ 5 milliards d’euros en 2022. Mais selon l’élu communiste Jacques Baudrier (par ailleurs administrateur IDFM), "on est chez les Shadoks".

"Ils dépensent un fric fou à organiser la concurrence, alors que les nouveaux transporteurs perdent du fric, et maintenant, on paye un cabinet qui va analyser les évolutions sociales où il y a déjà concurrence. Je peux répondre pour zéro euro: c’est le bordel partout parce qu’ils ont détérioré les conditions de travail.”

Auditionnée le 28 mai dernier, Valérie Pécresse faisait (sans surprise) le constat inverse: "La transition est difficile, il y a un temps d'adaptation, de recrutement, mais une fois que cet apprentissage a lieu, la concurrence est bénéfique". La présidente de région espère que le cabinet de conseil facilitera cette transition. L’appel d’offres est ouvert jusqu’au 24 juin.

Victor Joanin