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"Ma fille a besoin de sa dose": le désarroi des parents face à l'addiction des jeunes à TikTok

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L'application chinoise TikTok inquiète les parents alors qu'elle est plébiscitée par les mineurs qui y passent un temps conséquent. Le réseau social qui propose un flux ininterrompu de vidéos ultra-courtes est également soupçonné de transférer des données de ses utilisateurs vers la Chine où l'Etat peut avoir accès aux données des entreprises. L'Union européenne et les Etats-Unis ont d'ores et déjà interdit son installation sur les téléphones professionnels de leurs fonctionnaires.

Alerte à la dépendance. Les plus jeunes sont accros à TikTok, l'appli chinoise qui permet l'accès à un défilement ininterrompu de vidéos ultra-courtes proposées par des algorithmes qui analysent leurs goûts. En 2022, les mineurs ont passé 1h47 par jour sur le réseau social selon une étude mondiale de Qustodio. C'est plus que tout autre appli.

"Je suis H24 sur TikTok, je reste pendant des heures en train de scroller (faire défiler les vidéos, ndlr)", reconnaît sur RMC Eden, un lycéen qui utilise l'appli depuis plus d'un an et qui estime aussi passer jusqu’à 14h par jour sur le réseau. Un phénomène qui inquiète les parents: "C'est une vraie catastrophe, ils sont addicts et ils ne s'en rendent pas compte", déplore sur RMC Alex, mère d'une fille de 16 ans qui lui a récemment elle-même avoué avoir du mal à se concentrer. "Quand elle regarde une série ou un film elle n'arrive pas à le regarder en entier", habituée au rythme de TikTok et son flux infini de vidéos ultra-courtes.

Alex estime que sa fille passe entre 1h30 et 2h par jour sur l'appli qui a remplacé la lecture le soir avant de dormir: "Elle essaie de se maîtriser mais elle n'y arrive pas, elle a besoin de sa dose, c'est compliqué", déplore-t-elle. "Elle ne poste rien sur les réseaux, elle regarde juste, mais c'est une catastrophe", ajoute Alex.

"Ma fille ne partage plus rien"

"J'ai autorisé mon ado à avoir TikTok après sa bonne année scolaire en 4e et au premier trimestre de 3e, ça a été la chute libre", raconte de son côté Reda, père d'un adolescent de 14 ans. "C'était devenu aussi un problème de comportement. Il s'isolait dans sa chambre, il n'y avait plus moyen de parler et il était limite agressif avec sa mère", ajoute-t-il.

"Ma fille ne partage plus rien, elle ne veut plus passer de moments en famille à jouer, elle préfère monter dans sa chambre", constate aussi de son côté Alex. "Elle passe moins de temps à travailler sur ses devoirs du fait de TikTok", ajoute-t-elle estimant que tous les jeunes s'entraînent: "Ils me disent qu'ils sont mis à l'écart à l'école s'ils n'ont pas telle ou telle application", avance Alex qui reconnaît ne pas contrôler le contenu des vidéos regardées.

De son côté Reda raconte avoir dû sévir en supprimant purement et simplement le smartphone de son fils. Depuis, il assure constater une amélioration de son comportement.

TikTok prend les devants

Face au phénomène, TikTok a annoncé mercredi de nouvelles fonctionnalités pour aider les plus jeunes à limiter leur temps sur le réseau, qui compte plus d'un milliard d'utilisateurs actifs dans le monde. D'ici quelques semaines, l'appli promet la mise en place d'un avertissement au bout de 60 minutes d'utilisation pour les mineurs. Ils devront saisir un mot de passe pour continuer à regarder le flux de vidéo.

"Le seul moyen de contrôler, c'est la durée d'utilisation. Il faut laisser faire mais sur des durées raisonnables", estime sur le plateau de RMC Emmanuel Lechypre qui juge la cependant l'initiative de TikTok inefficace. Car comme sur d'autres sites internet, les mineurs pourront toujours désactiver la fonction ou mentir sur leur âge.

"Cette proposition va dans le bon sens, mais ne répond pas à l'ensemble de nos inquiétudes, notamment sur ce qui concerne la protection des données des utilisateurs et la teneur des contenus accessibles pour nos enfants", assure à l'AFP la secrétaire d'Etat à l'Enfance Charlotte Caubel.

L'appli menacée aux Etats-Unis

Car TikTok est également dans le viseur des autorités sur ce volet. Propriété du géant chinois ByteDance, l'appli est soupçonnée de transférer des données de ses utilisateurs vers la Chine, où l'Etat peut avoir accès aux données des entreprises.

Inquiète, l'Union européenne a décidé de limiter l'utilisation du réseau social au sein de ses institutions. Le Parlement européen a informé mardi son personnel qu'il interdisait TikTok sur les appareils professionnels, évoquant des inquiétudes en matière de sécurité des données et après une mesure similaire de la Commission européenne.

Aux États-Unis, une loi ratifiée par le président Joe Biden lui-même, interdit depuis janvier le téléchargement et l'utilisation de l'application sur les appareils des fonctionnaires de l'État fédéral américain. Au Congrès, un projet de loi en discussion pourrait même aboutir à l'interdiction totale de l'application aux Etats.

La France réfléchit aussi à une interdiction de l'appli sur les téléphones de ses fonctionnaires, a assuré mercredi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran: "Une commission d'enquête sénatoriale est en cours. Nous attendons aussi des avis de la CNIL, la commission garante des libertés face au numérique, au niveau français et européen pour statuer de manière plus générale", a-t-il précisé.

En sus, la France va protéger tous les smartphones avec un contrôle parental installé par défaut sur les nouveaux appareils: "Dans quelques mois, la France sera le premier pays à généraliser le contrôle parental sur les écrans vendus sur notre territoire", a promis ce jeudi sur RMC Jean-Noël Barrot le ministre délégué chargé de la Transition numérique. "Sur chaque nouvel appareil acheté pour un enfant, le contrôle parental sera préinstallé et permettra de contrôler le temps passé sur les écrans et les contenus visionnés", a-t-il assuré, attendant la validation du décret d'application de la loi.

Guillaume Dussourt