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Meeting en hologramme: "Mélenchon fait le buzz, mais ce n'est pas ce qu'attendent les Français"

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Après avoir lancé sa chaîne YouTube, qui compte plus de 150.000 abonnés, voilà que Jean-Luc Mélenchon annonce un meeting en hologramme à Paris le 5 février. Le candidat du mouvement La France insoumise semble avoir gagné pour l'instant la bataille de la com'. Mais pour le publicitaire François Belley, expert en communication et en marketing politique, cela ne devrait pas se traduire dans les urnes.

François Belley est publicitaire, fondateur de l'agence de publicité La boîte à gifles, auteur de l'essai Ségolène la femme marque (éd. Peau de Com) et du roman Le Je de trop (éd. L'écriveur).

"Chaîne YouTube, meeting en hologramme... C'est une communication que je qualifierai de cohérente. C'est cohérent par rapport à l'époque, par rapport au personnage et par rapport à son statut. On est en train d'écrire des papiers sur les hologrammes de Dalida, de Claude Français, et voilà qu'il annonce un meeting en hologramme: il n'est pas un moins avant, ou un mois après, il est exactement dans le timing. Dans une époque où le buzz et l'effet d'annonce prime, c'est cohérent.

C'est aussi cohérent par rapport au personnage. Si c'est François Fillon qui fait un meeting en hologramme, ça ne marche pas, c'est décrié et c'est presque un 'bad buzz'. Alors que Mélenchon, qui est dans la maitrise de sa communication, qui aime les journalistes et connaît très bien comment fonctionnent les médias, ça fonctionne.

Enfin, c'est aussi cohérent par rapport à son statut. Il n'est pas leader aujourd'hui, il est dans une stratégie d'outsider, et par définition, l'outsider en marketing c'est celui qui peut tout oser, qui peut être en disruption, en marge, qui peut même choquer.

"Mélenchon tient l'agenda médiatique"

En faisant ça, Jean-Luc Mélenchon tient l'agenda médiatique. Avant on tenait l'agenda médiatique par des propositions qu'on lançait le lundi et puis les concurrents en débattaient les jours suivants. Là, c'est sur la forme qu'il tient l'agenda médiatique. Il est dans la stratégie du "je suis le premier à le faire". Ça pose en effet la question de l'impact au-delà du buzz et du commentaire du buzz, et de ce qu'il en restera, notamment dans les urnes. Je demande à voir les effets d'adhésions.

Je travaille dans la publicité et j'ai 35 ans, mais j'aurais conseillé à Mélenchon de faire l'inverse. Je lui aurais conseillé ce que j'appelle le 'retour à la politique charnelle'. La politique charnelle, c'est la politique du toucher, c'est serrer les mains, c'est des regards, c'est l'authenticité. Aujourd'hui on a envie de retrouver de l'authenticité. Et la question que je pose aujourd'hui c'est: 'est-ce que ce type de communication sur du virtuel, ça sert une promesse d'authenticité et de proximité attendue par les Français'? Je ne crois pas. Je pense que l'enjeu aujourd'hui, c'est d'en faire plus que les autres, c'est d'écouter et surtout, c'est d'être sur le sol. C'est le retour au réel.

"Ce n'est pas ce qu'attendent les Français"

J'aurais presque vu, moi, un Emmanuel Macron dans cette posture: un Macron qui est jeune, qui incarne la politique 2.0. Pourtant, il est revenu à des méthodes beaucoup plus à l'ancienne, voire authentiques. Il a fait du porte-à-porte, comme l'avait fait aussi Obama en 2008. C'est beaucoup plus long et ça nécessite beaucoup de moyens humains, mais je pense que c'est beaucoup plus efficace. A l'heure d'Internet et de l'emprise du virtuel sur le monde réel, c'est une vraie valeur ajoutée.

Benoît Hamon est le seul candidat qui a bien compris l'emprise du monde virtuel sur le monde réel. C'est intéressant de voir comment Mélenchon est capable aujourd'hui de faire des meetings en hologramme et dans le même temps, presque dans la même famille, Benoît Hamon est parti sur l'importance du monde réel et le combat contre la 'robotisation' du monde".

Propos recueillis par Philippe Gril