Travail au noir au ministère de la Justice: "L'Etat enfreint lui-même les lois qu'il vote"

Le ministère de la Justice est épinglé dans un rapport pour de nombreux emplois non déclarés. - AFP
Selon un rapport d'inspection ministérielle, révélé par le Canard Enchaîné ce mercredi, plus de 40.000 collaborateurs occasionnels employés par le ministère de la Justice ne seraient pas déclarés. Des interprètes, des experts ou des médiateurs qui seraient rémunérés à l'heure, sans fiche de paie. Autrement dit, l'Etat ne verserait pas de cotisations patronales sur leurs salaires.
"Ce n'est pas faute d'attirer l'attention"
"Nous sommes les travailleurs au noir du ministère de la Justice. C'est-à-dire que notre employeur, l'Etat, enfreint lui-même les lois qu'il vote. En conséquence, nous n'avons ni fiche de paye, ni cotisations sociales, ni congés payés, ni retraites…", affirme, sur RMC, David Barbier, président de l'Union des traducteurs interprète. Et cette situation n'est pas sans conséquences pour les collaborateurs eux-mêmes.
"J'ai une collègue qui est tombée et a eu la jambe cassée pendant plusieurs mois. Elle n'a eu aucune prise en charge de ses soins. Et, pendant les trois mois où elle a été dans l'incapacité de travailler, elle n'a pas été rémunérée", certifie David Barbier. Et d'ajouter: "Ce n'est pas faute d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur cette problématique en disant à chaque fois 'Cela ne peut pas durer'. Pourtant cela fait dix ans que ça dure".
"Il faut que cela change"
Des pratiques qui ne dateraient pas d'hier donc, sans que pour autant les différents ministres de la Justice ne règlent le problème, faute de budget. Selon le porte-parole de la Chancellerie, un décret est prévu pour début 2016 pour clarifier le statut des collaborateurs occasionnels et "il y aura un versement progressif des cotisations sociales".
"C'est une aberration que le ministère de la Justice, qui est là pour faire appliquer la règle de droit partout en France, ne respecte pas le droit du travail au prétexte que le budget de l'Etat ne permet pas de payer les cotisations sociales de l'ensemble de ces collaborateurs", assure sur RMC maître David Dokhan, avocat de l'Union des traducteurs interprètes, qui indique avoir engagé une cinquantaine de procédures judiciaires. Et de marteler: "Il faut que cela change! Que la Justice respecte la loi et les droits de ces interprètes".