Après avoir été boudé à cause de l'inflation, le bio de nouveau plébiscité par les consommateurs

À l'intérieur d'un magasin Biocoop (photo d'illustration). - Biocoop
Le marché du bio est plutôt doux-amer ces jours-ci. D'un côté, après avoir dû affronter la crise inflationniste de 2022-2023 qui s'était traduite par une chute de ses ventes, il commence à retrouver le vent en poupe. Les enseignes spécialisées comme Biocoop ou Naturalia et celles de la grande distribution avec leurs marques bio voient leurs ventes augmenter de nouveau.
Une bonne nouvelle donc, contrebalancée par une mauvaise communiquée ce mardi 20 mai. En recherche d'économies, le gouvernement a annoncé une coupe drastique du budget de l'Agence bio. Cet organisme sous la tutelle du ministère de l'Agriculture et qui vise à défendre le développement et promouvoir l'agriculture biologique va voir ses finances amputées de 15 millions d'euros.
Le secteur du bio revient de très loin
Une annonce que déplorent les acteurs du secteur. Parmi lesquels Benoît Soury, directeur du bio pour le Groupe Carrefour (qui comprend à la fois le bio vendu chez Carrefour, et les magasins spécialisés Bio C' Bon et So.bio).
"A un moment où le marché redémarre doucement, il est paradoxal et dommage de voir qu’il est moins soutenu", a-t-il déclaré.
Malgré cette coupe budgétaire qui se traduira par un soutien moindre du gouvernement pour le bio, ce cadre se réjouit de la reprise du secteur. Il faut dire qu'il revient de très loin.
Pas plus tard qu'il y a deux ans, la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) appelait à "la mobilisation générale" pour sauver la filière. Après des années d'euphorie, elle avait subi une baisse particulièrement brutale de ses ventes, qui s'était accompagnée de la fermeture de nombreux magasins.
Il suffit de regarder les chiffres d'une enseigne spécialisée comme La Vie Claire pour se rendre compte de la chute. Elle était parvenue à atteindre 385 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 380 magasins en 2020 (le Covid-19 a été un facteur de développement pour le bio). Mais en 2022, son chiffre d'affaires avait chuté à 324,5 millions d'euros.
Depuis, l'enseigne remonte la pente et a ramené son chiffre d'affaires à 332 millions d'euros en 2024. Même si son nombre de magasins a baissé, pour s'établir à 327. La plupart des autres enseignes de magasins bio, comme Biocoop ou Naturalia, ont connu une décroissance similaire.
Dans le même temps, les industriels non spécialistes et les enseignes de la grande distribution ont fait du ménage dans leurs assortiments bio et en ont proposé moins. Pourquoi donc mettre en rayon de tels produits qui ne se vendaient pas en raison de leur prix plus élevé, alors que les consommateurs subissaient de plein fouet l'inflation?
Retour du bio malgré un pouvoir d'achat encore contraint
Le bio semblait donc presque condamné. Qui aurait pu imaginer qu'il reviendrait relativement fort, mais surtout aussi vite?
Fort d'abord: en 2024, toutes les enseignes spécialisées ont connu une croissance plutôt importante par rapport à l'année précédente. Biocoop, avec ses plus de 700 magasins, a annoncé récemment une hausse de 8% de son chiffre d’affaires. Ainsi qu'une une fréquentation en hausse de 8% de ses points de vente. Benoît Soury parle même, lui, d'une "croissance à deux chiffres" pour ses enseignes Bio C' Bon et So.bio (environ 130 magasins).
En grande distribution aussi, les produits bio reviennent dans les rayons et dans les ventes. Des données du panéliste Circana, citées par LSA Conso, affirment qu'au second semestre 2024 les volumes de produits d'épicerie bio ont progressé de 2%. Tandis que les autres reculaient de 2%.
Mais surtout, la rapidité de cette reprise peut surprendre: l'inflation a beau avoir nettement ralenti, le pouvoir d'achat reste tout de même un sujet de préoccupation pour la grande majorité des Français. Comment expliquer alors une aussi belle reprise, en particulier pour les enseignes spécialisées?
Retour en vogue de "l'hyperspécialiste"
Pour Benoît Soury, c'est la conjonction de trois facteurs. D'abord, bien entendu, l'amélioration du contexte économique. Les prix, y compris hors bio, ont cessé d'augmenter voire ont diminué. Les clients peuvent donc se permettre de racheter un peu de bio, lequel redevient accessible.
Ce dirigeant en veut pour preuve le retour des clients dans ses magasins, mais aussi l'augmentation du montant de leur panier moyen. Pour Bio C' Bon, petite enseigne de proximité, il l'évalue à 15 euros. Pour So.bio, qui se rapproche plus d'un supermarché, il atteint 45 euros.
Deuxième explication, "grâce" à la crise du bio, le secteur s'est concentré. Beaucoup de magasins ont disparu, au profit de ceux qui ont résisté.
"Les consommateurs qui ont perdu leur épicerie bio avec la crise acceptent de faire 200 mètres de plus pour en trouver une autre. Ces magasins ont donc encore plus profité de la reprise et cela booste la croissance des enseignes", explique Benoît Soury.
Enfin, ce "Monsieur bio" du Groupe Carrefour explique cette croissance des magasins bio par le retour en vogue de ce qu'il appelle "l'hyperspécialiste". Concrètement, les magasins de plus petit format auraient de plus en plus la cote au détriment des hyper et supermarchés. Le succès des Biocoop, Bio C' Bon et consorts est ainsi du même ressort que ceux que connaissent Picard (surgelés), ou Nicolas (caviste).
Pourquoi? D'après Benoît Soury, cela serait lié au fait que dans les très grandes surfaces, la tentation d'acheter des produits dont on n'a pas besoin est beaucoup plus forte. Et ce, alors même que ces hypermarchés sont ceux qui proposent les meilleures promotions.
En clair donc, selon lui, le consommateur a récupéré suffisamment de pouvoir d'achat pour ne pas avoir besoin de profiter de toutes les promotions. Mais il reste encore vigilant, et ne va pas acheter tout et n'importe quoi.
Une reprise plus tardive en grande distribution
En grande distribution la reprise du bio est moins forte. Et elle a été plus tardive. "Chez Carrefour, on a redémarré en juillet dernier, là où chez So.Bio et Bio C' Bon ça a repris quelques mois plus tôt", affirme Benoît Soury à RMC Conso.
Malgré cette reprise plus poussive, il assure que le bio représente toujours une place importante chez Carrefour. L'enseigne est d'ailleurs "surexposante": alors que 6% du chiffre d'affaires alimentaire provient du bio, ces produits représentent 9% des références en magasin.
Le bio reprend donc de belles couleurs. Et il y a fort à croire que cela va continuer: les bienfaits de ces produits à la fois pour la santé et la planète ne sont plus à démontrer. ; les consommateurs sont en demande; leur pouvoir d'achat augmente à nouveau...
Bien que ce soit une mauvaise nouvelle pour elle, la filière bio devrait résister à la baisse du budget de l'Agence bio. Un tiers des 15 millions d'euros supprimés devaient être alloués à des campagnes de communication.
Qu'à cela ne tienne pour Bio C' Bon: à l'occasion de la fête des mères, l'enseigne lance une opération pour promouvoir le bio. Ce week-end du 24-25 mai, elle offrira un panier de 1,5 kg de fruits et légumes à tous ses clients qui feront un achat en lien avec la natalité. "Une opération visant à rappeler l'importance du bio pour les femmes enceintes", justifie Benoît Soury.