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Ce pesticide est-il vraiment présent dans les répulsifs ménagers et colliers antipuces des chiens?

Des bombes d'insecticides pour lutter contre les punaises de lit (photo d'illustration).

Des bombes d'insecticides pour lutter contre les punaises de lit (photo d'illustration). - MIGUEL MEDINA © 2019 AFP

La réautorisation de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, est de nouveau débattue ce lundi à l'Assemblée nationale. Celui-ci serait présent dans les insecticides ménagers et dans les colliers anti-puces pour animaux. Vrai ou faux?

La loi agricole dite Duplomb arrive ce lundi 26 mai dans l'hémicycle. L'objectif de cette loi, portée par Laurent Duplomb, "lever les contraintes" des agriculteurs.

Parmi les nombreuses mesures du texte, une tout particulièrement cristallise les tensions. Il s'agit de la possibilité de déroger, durant trois ans et sous certaines conditions, à l'interdiction d'utiliser l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes nocif pour la pollinisation des abeilles.

Alors que la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher est hostile à son retour, la FNSEA juge sa réautorisation "vitale" pour éviter toute "concurrence déloyale".

Interdit en France depuis 2018, mais autorisé en Europe jusqu'en 2033, la disposition est de nouveau réclamée par les producteurs de betteraves sucrières et de noisettes, qui affirment n'avoir aucune autre solution pour protéger efficacement leurs cultures.

Le 19 mai dernier, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a donc voulu se montrer rassurante sur la dangerosité de cet insecticide en affirmant qu'il était déjà largement utilisé dans la vie quotidienne.

"L’acétamipride, les Français l’utilisent dans tous les insecticides domestiques, dans les colliers des animaux domestiques […] et les agriculteurs ne pourraient pas l’utiliser dans des conditions très strictes ?", avait-elle questionné.

Mais les affirmations de la ministre sont-elles justes? RMC Conso vous répond.

Seulement 213 insecticides concernés

Sur la question des insecticides domestiques, l'association de lutte contre l'utilisation des pesticides Générations Futures est formelle. Ce ne sont pas "tous" les insecticides qui sont concernés, comme l'avance la ministre de l'Agriculture.

"L'acétamipride n’est pas présent dans tous les insecticides ménagers comme le prétend Mme Genevard, mais dans seulement 213 sur plusieurs milliers sur le marché, d’après la base de données officielle consacrée aux produits biocides", explique-t-elle sur son site.

Celle-ci "n'est présente que dans certains insecticides, cela reste très minoritaire", affirme à RMC Conso François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.

D'après un article de l'UFC-Que Choisir, l'acétamipride serait notamment contenue dans les traitements des plantes d'intérieur.

"Aucun produit vétérinaire"

Toujours d'après l'affirmation d'Annie Genevard, l'acétamipride serait également présent dans les colliers antipuces des animaux domestiques.

Un argument largement repris dans les médias, mais démenti par l'association Générations Futures.

"L’acétamipride n’est absolument pas présent dans les colliers antipuces des animaux domestiques. Nous pouvons même affirmer que l’acétamipride n’est autorisé dans AUCUN produit vétérinaire en France!", certifie l'association.

Pour en avoir la confirmation, nous avons donc demandé à consulter les échanges de mails entre Générations Futures et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Dans ceux-ci, nous y apprenons que les colliers antiparasitaires pour chien ou chat sont des produits couverts uniquement par la réglementation sur les médicaments vétérinaires et non par la réglementation sur les biocides.

"Des colliers antiparasitaires contenant de l’acétamipride pour chiens ou chats seraient a priori considérés comme des médicaments vétérinaires en France et non comme des produits biocides", écrit l'Anses.

Déjà en 2017, un document de l’Anses indiquait que l’acétamipride n’avait pas d’usage vétérinaire, contrairement à d’autres substances néonicotinoïdes, d'après l'association.

À la fin du mail, l'Anses suggère à Générations Futures de contacter l'Agence nationale du médicament vétérinaire. Après une recherche rapide sur la base de données des médicaments vétérinaires, l'association a obtenu confirmation.

"Après vérification, je vous confirme qu'il n’y a pas de médicament vétérinaire (MV) autorisé en France à base d’acétamipride. Parmi les médicaments vétérinaires à base de substance active appartenant à la famille des néonicotinoïdes, il existe néanmoins des médicaments (colliers et spot-on) à base d'imidaclopride", détaille-t-elle dans un mail.

Quels risques?

Les deux éléments de réponse avancés par la ministre de l'Agriculture sont donc en partie infondés. Par ailleurs, l'association insiste sur les risques que cet insecticide représente sur l'environnement. Celui-ci est selon elle "très toxique".

L'acétamipride, comme tous les néonicotinoïdes, est décrié par les défenseurs de l'environnement, les apiculteurs et la Confédération paysanne qui le qualifient de "tueur d'abeilles". Selon le CNRS, la production de miel en France a été divisée par deux entre le milieu des années 1990, date d'introduction des néonicotinoïdes, et le milieu des années 2010.

L’acétamipride est également responsable du déclin de la population d’oiseaux dans les zones agricoles, en ingérant directement le produit et par manque de nourriture, puisque les insectes que mangent les oiseaux disparaissent.

Quid des risques sur notre santé? François Veillerette met en avant "des effets délétères sur le développement du système nerveux chez l'enfant et l'adolescent" avec des maladies du spectre autistique ou encore des malformations cardiaques.

Cela pourrait se transmettre "dans l'air ou via des résidus dans certains produits alimentaires, comme de l'eau, des fruits ou du thé", pointe-t-il. L'acétamipride est également ressorti par les pesticides les plus retrouvés dans l'alimentation, d'après une analyse de 5.000 aliments réalisée par l'UFC-Que Choisir.

Sur ce point, le consensus actuel, tel que relayé par la littérature scientifique et diverses autorités sanitaires, se résume largement à l'incertitude. En 2024, l'Agence sanitaire européenne (Efsa) a réclamé de "nouveaux éléments" et a appelé à abaisser les seuils auxquels ce pesticide est jugé potentiellement dangereux.

Face à cette situation, Générations Futures s'oppose à cette réautorisation et demande l'interdiction de cet insecticide à la fois dans les usages agricoles mais aussi domestiques.

"C'est une susbtance candidate à la substitution. C'est incompréhensible que la France revienne dessus. Actuellement, la situation est sûre et il faut donc la préserver", conclut le porte-parole de l'association.

Emma Forton