"Leclerc moins cher que Lidl": peut-on se fier à la publicité comparative?

"Leclerc est moins cher que Lidl", "Auchan est moins cher que Carrefour"… Vous avez probablement déjà vu, entendu ou lu ce type d'allégations dans les publicités à la radio, à la télévision ou directement en supermarchés.
On appelle cela la publicité comparative. Elle vise à fidéliser la clientèle en lui affirmant que l'enseigne propose les meilleurs prix. Mais peut-on vraiment s'y fier?

Ce type de communication est très encadré, le mensonge est impossible. Malgré tout, cela reste de la publicité, elle n'est donc évidemment utilisée que lorsque la comparaison sert les intérêts de l'enseigne, et doit être considérée avec recul par les consommateurs. Explications.
Un cadre légal plutôt souple
La publicité comparative est légale: elle a été autorisée par une loi du 18 janvier 1992 relative à la protection des consommateurs, et ses règles ont même été assouplies en 2001 puis en 2008, de sorte qu'elle est de plus en plus utilisée aujourd'hui.
Ainsi, selon l'article L122-1 du Code de la consommation, une publicité comparative:
- Ne doit pas tromper ou induire en erreur.
- Porte sur des biens répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif.
- Compare objectivement des caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens, dont le prix peut faire partie.
Autrement dit, les marques ou distributeurs qui souhaitent faire de la publicité comparative ne peuvent pas mentir ou exagérer lorsqu'ils comparent deux produits. S'il s'agit de produits alimentaires, ils doivent avoir la même composition pour pouvoir être comparés (par exemple, des lasagnes surgelées ne peuvent être comparées que si elles possèdent la même teneur en viande).
Par ailleurs, les prix doivent avoir été relevés aux mêmes dates et selon une certaine cohérence (on ne peut comparer le prix de fournitures scolaires en décembre et en août). Le concurrent ne doit pas être dénigré.
Les infractions aux règles de la publicité comparative peuvent entraîner diverses sanctions, l'octroi de dommages et intérêts pour la partie lésée, deux ans d'emprisonnement, et jusqu'à 300.000 euros d'amende.
Il existe des précédents en la matière. Par exemple, en 2015, Cristalline avait été condamnée à payer 100.000 euros d'amende pour avoir comparé son eau à celle du robinet. Dans la publicité, la marque reprochait à l'eau du robinet son mauvais goût. Eau de Paris y a vu une atteinte à l’image de l’eau du robinet et à la qualité du service public de l’eau.
En 2020, Lidl a également été condamné pour avoir présenté vingt-cinq de ses produits comme identiques à ceux de vingt-cinq grandes marques. Il était reproché à Lidl d'avoir introduit comme critère de comparaison le goût, qui est par nature subjectif.
Un outil informatif pour le consommateur
Les publicités comparatives étant très contrôlées et surveillées par les concurrents de ceux qui y ont recours, on peut donc considérer qu'elles sont fiables. C'est aussi la raison pour laquelle on entend parfois la formule "si vous trouvez moins cher ailleurs, on vous rembourse deux fois la différence".
Non seulement les consommateurs sont très peu nombreux à tenter d'obtenir un remboursement par ce biais, mais en plus les enseignes ont généralement fait toutes les vérifications nécessaires pour être sûres de ce qu'elles avancent.
On peut même estimer que les publicités comparatives favorisent l'information du consommateur. C'est tout l'avantage de la guerre des prix que mènent les distributeurs: pour attirer les clients en magasin, il faut non seulement être le moins cher, mais aussi le dire haut et fort.
D'ailleurs, Lidl et Leclerc sont allés jusqu'à mettre en place des outils en ligne de comparaison des prix, gratuits et accessibles à tous. Le premier a publié une liste de 450 produits dont les prix ont été comparés.
Le deuxième a créé un site qui permet de comparer les prix pratiqués par Leclerc et par les autres enseignes, produit par produit. Chacune de ces enseignes rend publique sa méthologie, qui indique précisément le mode de calcul, les dates de relevés des prix, et précise le nom du laboratoire qui a procédé à ces calculs de manière indépendante.
Une fiabilité limitée
Pourtant, un tour sur le site quiestlemoinscher.leclerc et sur le site lidlestmoinscher.fr suffit à constater une incohérence: les deux prétendent être les moins chers... Selon Lidl, Leclerc est plus cher de 3,6%, et selon Leclerc, Lidl est plus cher de 2,6%... C'est là la limite de la fiabilité de cette publicité comparative.


Car si ces comparaisons répondent à plusieurs obligations, elles n'ont en revanche nullement le devoir d'être exhaustives. Il serait bien sûr compliqué de comparer l'intégralité des références présentes en hypermarché (qui dépassent parfois les 10.000). Alors, les enseignes en profitent. Et ne comparent que ce qui les arrange.
La preuve: la méthodologie du site quiestlemoinscher.leclerc précise bien que ne sont pas prises en compte les marques de distributeur dans le comparatif. L'enseigne sait qu'elle n'est pas la plus compétitive sur ce secteur, et que Lidl fait mieux qu'elle.
Résultat, Lidl parvient à faire un calcul grâce auquel elle ressort comme étant l'enseigne la moins chère, et Leclerc arrive à réaliser la même prouesse... Les deux sans aucune triche. Elles n'ont simplement pas comparé les mêmes produits.
D'autres outils plus neutres
Il faut donc prendre la publicité comparative pour ce qu'elle est: de la publicité. Il est évident qu'elle sert avant tout les intérêts de l'enseigne qui l'utilise. Charge au consommateur d'être malin, et d'utiliser ces comparaisons, tout de même utiles, en ayant le recul nécessaire.
Pour comparer les prix, il peut également être judicieux de recouper ces publicités comparatives avec des outils plus neutres de comparaison des prix, tels que la carte interactive des supermarchés les moins chers publiée par l'association UFC Que Choisir, ou encore le site lebondrive.fr, qui compare les prix des produits vendus en drive par les différentes enseignes.
Les prix en supermarchés dépendent de nombreux critères: le lieu, le produit, la marque, et même parfois la contenance. Il est impossible de réunir en un seul endroit les meilleurs prix. C'est pourquoi il est recommandé, si l'on souhaite faire un maximum d'économies, de faire ses courses dans plusieurs enseignes différentes.
C'est d'ailleurs ce que de nombreux Français font déjà, et de plus en plus. Selon l'institut Nielsen, ils fréquentent sept enseignes en moyenne sur un an. C’est 7% de plus en 4 ans.