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Alimentation

Sucreries aux caisses des supermarchés: les interdire servirait-il à quelque chose?

Confiseries dans un supermarché (illustration)

Confiseries dans un supermarché (illustration) - FABRICE COFFRINI / AFP

L'UFC-Que Choisir dénonce la présence de confiseries aux caisses de 86% des supermarchés. Alors qu'elles sont un facteur d'obésité infantile, il faudrait, pour l'association, les interdire à cet emplacement. Mais quelle serait l'efficacité d'une telle mesure?

Dans une enquête publiée mardi 3 septembre, l'association UFC-Que Choisir dénonce l'omniprésence des aliments gras, sucrés et salés aux abords des caisses des supermarchés. Elle plaide pour leur interdiction.

Dans la foulée, une autre association, la CLCV, met en lumière qu'un tiers des prospectus promotionnels est consacré à la malbouffe. Mais supprimer les publicités en faveur de ces aliments ou les bannir des caisses et des têtes de gondole peut-il être faisable ou efficace? RMC Conso fait le point.

Des sucreries en caisse dans 86% des magasins

86% des supermarchés mettent en avant des confiseries en caisse, selon l'UFC-Que Choisir. Pourtant, en 2008, la ministre de la Santé de l'époque, Roselyne Bachelot, avait enjoint les distributeurs à les retirer.

La principale raison de cette démarche était l'impact connu de ces friandises sur la santé, particulièrement des enfants, leur première cible: l'excès de consommation de sucre et de mauvaises graisses est responsable du diabète, du cholestérol, de l'obésité et des maladies cardiovasculaires.

Plus ces maladies se déclarent tôt, plus elles sont susceptibles d’entraîner des conséquences graves. Or 4% des enfants sont en situation d’obésité en France, selon les chiffres de la Haute autorité de santé.

Mais, non contraignante, l'injonction est vite tombée aux oubliettes. Les distributeurs avaient joué le jeu, au début, puis, au fil des ans, les confiseries sont revenues sur le devant des caisses.

Interdiction au Royaume-Uni

De l'autre côté de la Manche, en revanche, le gouvernement s'est montré plus sévère. Si une loi qui devait interdire la publicité pour la malbouffe avant 21 heures à la télévision a été reportée à 2025, une autre a été votée fin 2021, et régule l'emplacement des confiseries en supermarché au Royaume-Uni. Entrée en vigueur fin 2022, elle entraîne la disparition des sucreries aux abords des caisses.

Un an et demi plus tard, les résultats de cette nouvelle règlementation ne se font pas encore vraiment sentir. Le Royaume-Uni compte 26,2% d'adultes en situation d'obésité (contre 25,9% un an plus tôt) selon les statistiques du gouvernement britannique.

Dans l'un des pays qui compte le plus fort taux d'obésité d'Europe, cette seule mesure ne peut suffire. Toutefois, selon un article du journal The Guardian de décembre 2023, qui cite des chiffres de l'institut Kantar, les ventes de produits gras et sucrés en caisses ont tout de même baissé de 5,1% fin 2022 au Royaume-Uni, tandis que celles des produits plus sains ont augmenté de 1,9%.

Remplacer les sucreries par des fruits et légumes

Ces chiffres corroborent les hypothèses de deux études, de 2018 et 2021, selon lesquelles la suppression des confiseries en caisses entraîne bien une baisse des achats.

Selon la première, menée par des chercheurs des universités de Cambridge, Stirling et Newcastle, les achats d'impulsion sont particulièrement touchés. Ces produits sont effectivement placés à cet endroit stratégique pour entraîner des pulsions d'achat, juste avant de sortir son porte-monnaie et de quitter le magasin.

Les chercheurs britanniques ont constaté que la suppression des confiseries en caisses réduisait de 76% les achats de produits consommés immédiatement à la sortie du magasin (et non pas rangés au placard avec le reste des courses).

La deuxième étude, menée par l'université de Southampton, est allée plus loin, en montrant qu'en remplaçant les confiseries en caisses par des fruits et légumes, les ventes de ces derniers augmentaient.

Baisse de chiffre d'affaires

Mais le brocoli est moins susceptible de provoquer la pulsion d'achat que l'œuf en chocolat... Et les distributeurs semblent peu enclins à renouveler l'expérimentation de 2008-2009. À l'époque, le groupe Leclerc avait assuré au journal Le Parisien avoir perdu 10 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Il faut dire qu'en plus de susciter l'achat d'impulsion, l'emplacement de ces confiseries en caisses répond à un autre enjeu des distributeurs: celui d'être compétitif sur ces produits de grandes marques, considérés comme des produits d'appel, car très appréciés des consommateurs et vendus dans toutes les enseignes.

L'objectif est donc de vendre ces snacks le moins cher possible, et de faire en sorte que cela soit visible immédiatement par le client, au moment où il entre dans le magasin... D'où leur place de choix dans les prospectus promotionnels et en tête de gondole.

Charlotte Méritan