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Tibo InShape chez Carrefour: les barres protéinées, un encas plaisir et sain à la fois? Pas si sûr

Les barres protéinées cartonnent en rayons (image d'illustration)

Les barres protéinées cartonnent en rayons (image d'illustration) - freepik.com

Les barres protéinées envahissent les rayons des supermarchés. Autrefois l'apanage des magasins de sport, elles sont désormais consommées par un public beaucoup plus large que les seuls adeptes de la salle. Mais ont-elle vraiment un intérêt?

La marque nutrition de l'influenceur fitness Tibo InShape est désormais en vente chez Carrefour. On y trouve des boissons, des protéines en poudre, ou encore des barres protéinées.

Ces encas, autrefois réservés aux boutiques de fitness et salles de sport, envahissent les rayons des supermarchés. Avec leur aspect de barre chocolatée et leurs promesses "healthy", ils convainquent désormais jusqu'aux plus sédentaires.

Selon une étude de l'ObSoCo (Observatoire société et consommation) réalisée en 2024, un quart des Français ne pratiquant aucun sport consomme malgré tout des barres protéinées. Résultat, le marché pesait déjà 6,5 milliards de dollars en 2022 selon la société d’études de marché Global Market Insights, et le cabinet Mordor Intelligence prévoit une croissance annuelle de 5,34% au cours des cinq prochaines années.

Il faut dire que les protéines sont depuis quelques années érigées au rang de nutriment star pour la forme et la bonne santé, et sont utilisées dans tous les discours marketing. D'ailleurs, de nombreux produits de grande consommation ont désormais leur version "hyperprotéinée": pain de mie, yaourt, saucisson, fromage...

Du côté des barres, la plupart des grands groupes et marques de l'agroalimentaire s'y mettent: M&M's, Mars, Snickers, Kellogg's avec Special K, et même les marques de distributeurs. Mais les barres protéinées sont-elles vraiment l'encas plaisir et sain qu'elles prétendent être? RMC Conso a interrogé deux experts.

Des ingrédients de basse qualité

"Non", répondent-ils tous deux à l'unisson. "Ces barres sont consommées la plupart du temps après l'effort, pour la récupération, parce qu'elles sont pratiques à transporter dans son sac. Mais il y a très peu de références de qualité," affirme la diététicienne-nutritionniste spécialisée dans le sport Laura Martinez, contactée par RMC Conso.

Même son de cloche chez Benjamin Voirin, ingénieur agronome spécialiste de la nutrition sportive, et fondateur du site d'informations In nuts we trust: "avoir plus de protéines accessibles facilement, c'est intéressant parce que contrairement à une idée reçue, les protéines ne servent pas à construire que du muscle, on en a besoin pour le fonctionnement de plein d'organes, en avoir en quantité suffisante c'est important pour être en bonne santé."

"Le problème, c'est que les protéines présentes dans ces barres sont rarement de bonne qualité."

Souvent constituées de protéines de lait, les barres n'indiquent quasiment jamais la provenance dudit lait. "On ne sait rien du pays d'origine, des conditions d'élevage... Or, tout cela a un impact sur la qualité du lait et de ses protéines. On risque d'avoir un lait de piètre qualité, pro-inflammatoire, sans une bonne quantité d'acides aminés," fustige Benjamin Voirin.

"L'autre gros problème des barres protéinées, ce sont les listes d'ingrédients à rallonge avec beaucoup d'additifs: arômes, colorants, conservateurs, émulsifiants... Ce sont des produits ultra-transformés," ajoute Laura Martinez.

Aliment ultra-transformé

Pourquoi autant de transformation? Tout simplement parce que la plupart des marques veulent proposer des produits plus sains que les traditionnelles barres chocolatées... C'est-à-dire moins sucrés et moins gras. Or il n'y a pas de miracle: pour obtenir une confiserie protéinée, peu grasse et peu sucrée, il faut recourir à beaucoup de chimie.

"Le gras, c'est un liant. Si vous l'enlevez, le produit ne se tient pas. Alors, vous ajoutez ce qu'on appelle des texturants. Souvent, c'est de l'amidon modifié. Un ingrédient inflammatoire, difficile à digérer," explique l'ingénieur agronome.

Quant au sucre, pour conserver un goût qui plaise aux consommateurs, les marques utilisent des édulcorants artificiels: sucralose, polyols... Dont les effets sur la santé ne font pas encore consensus, mais qui sont soupçonnés d'être nocifs. On sait qu'ils provoquent, au minimum, des troubles intestinaux.

La composition de ces barres protéinées pose donc question... Si leur intérêt réside malgré tout dans leur teneur en protéines, cette consommation supplémentaire est-elle indispensable?

Une supplémentation inutile

"Les protéines après l'effort, c'est intéressant quand on fait du sport intense, sous forme de poudre, mieux que les barres. Si on ne fait pas de sport intense, non," répond Laura Martinez.

"Finalement très peu de sportifs en ont besoin, seuls ceux de très haut niveau. La plupart des gens n'en ont pas besoin,' acquiesce Benjamin Voirin.

Effectivement, nous mangeons suffisamment de protéines dans notre alimentation pour ne pas avoir besoin de nous supplémenter. Selon les professionnels de santé, les carences en protéines sont excessivement rares voire inexistantes dans nos sociétés occidentales.

Les protéines que l'on trouve dans la viande, le poisson, les produits laitiers ou les légumineuses suffisent à atteindre l'apport journalier nécessaire pour être en bonne santé. En manger plus n'a aucun intérêt.

"Ça demande un tout petit peu de cuisine et les marques surfent sur le marché de la flemme," regrette l'ingénieur agronome. Une flemme qui se paye d'ailleurs très cher: la barre protéinée InShape nutrition est vendue plus de quatre euros chez Carrefour, contre trois euros pour cinq barres de Mars dans le même supermarché.

Les barres Special K "high protein" sont presque deux fois plus chères que les barres Special K classiques.

"C'est purement marketing," assure Benjamin Voirin.

Pour un complément de protéines, il vaut donc mieux se tourner vers un produit plus naturel et qui sera forcément moins cher. Mais outre l'apport en protéines, ces barres sont aussi consommées comme un plaisir sucré, et d'ailleurs vendues en rayon aux côté des barres Mars, Snickers et autres Kinder Bueno.

Barre chocolatée ou barre protéinée?

Vaut-il donc mieux manger ces dernières, ultra-transformées aussi, riches en sucres et en matières grasses mais aux listes d'ingrédients un petit peu moins longues et surtout beaucoup moins chères, ou des barres protéinées? Si ces dernières sont certes moins grasses et moins sucrées, elles ne sont en tout cas pas moins caloriques: comptez environ 200 kcal par barre.

"C'est la peste ou le choléra," ironise Benjamin Voirin. "Dans tous les cas, j'estime qu'il vaut mieux du vrai sucre que des édulcorants, qu'il faut éviter les texturants, et puis, quitte à parler de plaisir, le goût compte aussi, je ne suis pas sûr qu'on prenne le même plaisir avec une barre protéinée qu'avec une vraie barre chocolatée."

"Si j'ai un patient qui a envie de M&M's, clairement, je ne vais pas lui dire de prendre des M&M's protéinés... Tout ça ce n'est que du marketing, c'est inutile de payer deux fois plus cher pour les versions protéinées," confirme Laura Martinez.

Si vous tenez malgré tout à votre rituel barre protéinée après l'effort, Benjamin Voirin a développé une application, ScanNuts, qui note les barres protéinées non seulement en fonction de leur intérêt nutritionnel mais aussi de la toxicité éventuelle des ingrédients et de leur impact environnemental.

Charlotte Méritan