Ce prospectus dans votre boite aux lettres dont il faut se méfier

Les autorités alertent sur le phénomène depuis de nombreuses années, et pourtant il ne désemplit pas: les prospectus aux couleurs du drapeau français et parfois au logo des communes continuent d'envahir les boîtes aux lettres. Ils proposent, au milieu des numéros d'urgence habituels, des numéros d'artisans à joindre pour un dépannage. Qui se cache derrière? RMC Conso vous en dit plus.
Sur ces prospectus en papier cartonné, on retrouve généralement les mêmes informations: le numéro de téléphone de la mairie, celui de la préfecture, celui des hôpitaux de la ville et quelques numéros d'urgence.
Logo trompeur
Mais aussi, noyés au milieu de ces authentiques numéros, ceux d'artisans présentés comme "partenaires". Trois numéros de téléphone mais répétés onze fois de suite sont indiqués sur le flyer que nous prenons pour exemple: trois numéros, mais huit chances supplémentaires d'attirer le consommateur et de le pousser à en composer l'un d'eux. Le flyer en question arbore fièrement les couleurs bleu blanc rouge et un logo de la ville de Clichy, dans les Hauts-de-Seine.

Derrière ces trois numéros, de prétendus électriciens, serruriers, plombiers proposant divers services: ouverture de porte, panne électrique, WC et tuyaux bouchés, vitrerie et même désinsectisation (punaises et cafards).
Des agréments contestables
Une dernière mention, en bas à droite, interpelle: ces artisans seraient "agréés assurances". Une technique pour faire croire que l'intervention sera remboursée. Or, si des artisans peuvent effectivement être agréés par les assurances, ce sont généralement ces dernières qui envoient directement leurs dépanneurs partenaires chez leurs assurés.
Lorsqu'on appelle ces numéros, mieux vaut ne pas se montrer trop curieux, au risque de se faire raccrocher au nez. Au numéro de l'électricien, l'artisan qui nous répond nous affirme qu'il est bien partenaire de la ville, sans être visiblement bien sûr de ce qu'il avance: "vous m'avez trouvé comment? Sur les pages jaunes?" nous demande-t-il avec hésitation.
"Oui, on est partenaire de votre ville, mais ça ne veut pas dire que ce sera gratuit, c'est 150 euros l'ouverture de porte", affirme-t-il sans avoir eu plus de détails sur l'état de la porte et la gravité du problème.
Contactée par RMC Conso, la ville de Clichy dément: "ne vous fiez pas à ces prospectus, ils ne sont absolument pas distribués par la ville, ces artisans ne sont pas nos partenaires."
Mais alors, par qui sont-ils distribués?
Des entreprises nébuleuses
Au numéro présenté comme celui d'un plombier, à la question "quelle société êtes-vous?" on nous répond: "La centrale du dépannage, à Paris".
Une rapide recherche sur les sites répertoriant les entreprises enregistrées au registre du commerce suffit à constater que la seule entreprise portant cette dénomination à Paris a été liquidée en 2018.
Sur un autre prospectus qui porte l'entête "L'artisan du coin", on lit "RCS en cours", supposant que l'entreprise est en cours d'immatriculation. La seule entreprise d'Ile-de-France portant ce nom nous assure n'avoir aucun rapport.

En réalité, ces numéros de téléphone renvoient vers des plateformes téléphoniques, ce que nous confirme d'ailleurs une jeune femme décrochant le téléphone de "L'artisan du coin": "nous transmettons votre appel à un artisan en fonction de votre problème, et il vous rappelle dans la minute".
Surfacturation, travaux mal réalisés...
Le risque de recourir aux services de ce type de plateformes est de se voir ensuite surfacturer des prestations, ou imposer des travaux inutiles voire mal réalisés.
Sur internet, les témoignages qui racontent les mauvaises expériences avec ces artisans trouvés sur des prospectus pleuvent, à l'instar de celui d'une étudiante, relayé par Le Parisien, qui explique avoir payé 900 euros pour une fuite d'eau.
Elle a porté plainte, mais le problème est que ces entreprises sont souvent volatiles et difficilement traçables: les sièges sociaux sont des adresses de domiciliation d'entreprise, les gérants peuvent être des prête-noms et les n° de SIRET, les numéros d'enregistrement des entreprises au registre du commerce, parfois inexistants ou faux.
La Direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes (DGCCRF) fait régulièrement des contrôles. Dans son dernier rapport d'octobre 2023, elle constatait que sur 545 établissements contrôlés, un tiers présentait des non conformités.
Les conseils de RMC Conso
En cas de problème quel qu'il soit (serrure bloquée, fuite d'eau, panne de courant...) RMC Conso vous conseille de ne surtout pas céder à la panique et d'attendre un horaire normal d'ouverture des entreprises pour appeler un artisan dont vous aurez vérifié préalablement l'existence juridique, la réputation, etc.
La première chose à faire est d'appeler votre assurance habitation pour vérifier si votre contrat couvre le sinistre que vous subissez et si elle peut vous envoyer un dépanneur agréé. Dans tous les cas, ne versez pas d'argent avant d'avoir signé un devis, qui constitue un accord sur les travaux à réaliser, le délai et le prix.
Et bannissez définitivement les prospectus que vous recevez dans vos boîtes aux lettre et qui listent des numéros d'artisans.