Cdiscount, Amazon, Darty... quand vous achetez sur ces sites, attention aux "marketplace"

Cdiscount, Amazon, Darty... savez-vous que lorsque vous achetez sur les sites de ces géants du e-commerce, vous n'achetez pas forcément directement à ces géants du e-commerce? Ce modèle s'appelle "marketplace", ou place de marché, et permet à ces grandes enseignes de proposer à des vendeurs indépendants de commercialiser leurs produits sur leurs sites... Et ainsi bénéficier de leur visibilité et leur réputation.
Les marketplace: un tiers de nos achats en ligne
Souvent moins chers que les produits vendus par les grandes enseignes elles-mêmes, les articles proposés sur des marketplace représentent aujourd'hui un tiers de nos achats en ligne, selon une étude Mirakl de 2023.
Le modèle est d'ailleurs si rentable pour les plateformes qu'il constitue aujourd'hui 58,3% des ventes sur Cdiscount, selon le média Républik Retail.
Le problème, c'est que les litiges se multiplient avec ces vendeurs indépendants, qui ne sont pas toujours en France et sont parfois difficilement traçables. Les plateformes sont accusées de manquer de transparence sur les commerçants dont elles hébergent les ventes.
Améliorer la transparence des plateformes
Le Digital Service Act, règlement européen qui vise à réguler, entre autres, le pouvoir des GAFAM (géants du web que sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), a aussi pour vocation de rendre plus claires les informations disponibles sur les marketplace. En France, il est entré en application le 17 février et impose aux enseignes d'indiquer clairement le nom du vendeur, son adresse, son numéro de téléphone et son numéro d'enregistrement.
Pourtant, l'affichage de ces marketplace entretient la confusion entre ce qui est véritablement vendu par le site et ce qui est vendu par des indépendants. Quant aux informations disponibles sur ces derniers, elles sont loin d'être toujours très claires. RMC Conso vous en fait la démonstration.
La démonstration de RMC Conso
Lorsqu'on cherche, par exemple, un téléphone à moins de 200 euros sur Cdiscount, rien, sur la page qui liste les propositions, n'indique si nous avons affaire à Cdiscount ou à des vendeurs indépendants.

Lorsqu'on clique sur le premier choix, un téléphone Xiaomi à 104 euros, il faut être particulièrement vigilant pour s'apercevoir que nous n'achetons pas à Cdiscount, mais à un vendeur qui se présente comme "Titanium".

Lorsqu'on clique sur Titanium, peu d'informations apparaissent, si ce n'est la note globale des évaluations clients du vendeur, sa qualification de vendeur professionnel, et un drapeau français, laissant penser qu'il s'agit d'une entreprise française.

Lorsqu'on pousse la recherche jusqu'à cliquer sur "infos vendeur", on s'aperçoit que le nom de l'entreprise n'est pas Titanium mais Elav Communication LTD, qu'il ne s'agit pas d'une entreprise française mais bulgare, et il n'y a pas de coordonnées téléphoniques.

Quant à l'adresse de retour des colis, une simple recherche suffit pour découvrir qu'elle correspond à une entreprise de logistique qui se charge de rapatrier les colis à leur expéditeur à l'étranger.
Pas de recours possible contre la plateforme
En cas de défaillance du produit ou de litige, il faudra donc communiquer avec le vendeur bulgare, la plateforme se dédouanant de toute responsabilité.
Dans les conditions générales d'utilisation de la marketplace de Cdiscount, on lit en effet:
CDISCOUNT intervient comme simple intermédiaire de mise en relation des Vendeurs et des Acheteurs […] la responsabilité de CDISCOUNT ne pourra pas être engagée."
Un "simple intermédiaire" qui fait pourtant payer relativement cher son rôle d'hébergeur: le vendeur doit s'acquitter d'un abonnement mensuel de 39,9 euros HT par mois pour publier les annonces de ses produits sur Cdiscount, et lui reverser 15% de chaque vente.
Flou juridique
Il existe aujourd'hui un flou juridique sur la responsabilité de ces marketplace, avec des jurisprudences contradictoires.
Dans une affaire qui opposait en 2019 Cdiscount à la société Jansport Apparel Corp, qui exploite la marque de sacs à dos Eastpak, reprochant à la plateforme d'avoir commercialisé des sacs contrefaits, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que Cdiscount n'était qu'un hébergeur, un intermédiaire non responsable des produits vendus par les commerçants indépendants.
Vers une responsabilisation des plateformes?
Mais un jugement plus récent de la Cour de justice de l'Union européenne, de décembre 2022, va complètement à l'encontre de cette décision.
L'affaire opposait Amazon au chausseur de luxe Christian Louboutin, à cause là aussi de vente de produits contrefaits. Cette fois, la cour a considéré qu'Amazon était bien responsable, estimant qu'une confusion existait pour le consommateur, qui " a l'impression que c'est Amazon qui commercialise le produit".
Un premier pas vers une responsabilisation des marketplace de géants du e-commerce, dans les litiges qui opposent leurs vendeurs à leurs clients.
Mais pour éviter de vous retrouver dans une procédure longue et coûteuse, RMC Conso vous conseille de bien vous renseigner sur l'identité du vendeur avant tout achat sur une plateforme. Le site internet a l'obligation de l'indiquer, mais attention, l'information est parfois peu visible.