Cycle court, linge délicat, couleurs foncées... Faut-il acheter les lessives spéciales?

Lorsqu'on entre le terme "lessive" sur le site internet d'un grand distributeur, on obtient... 246 références différentes. Le marché de la lessive pèse deux milliards d'euros par an et se partage entre trois grands groupes qui redoublent d'inventivité pour dynamiser un secteur en perte de vitesse.
Depuis la loi Descrozaille qui interdit les promotions supérieures à 34% sur les produits d'hygiène et d'entretien, les ventes de lessive ont chuté. Pour la semaine du 16 au 22 septembre, elles tombent à -36,5% selon des chiffres de l'institut Circana relayés par Le Parisien.
Les marques cherchent donc à se réinventer et innovent pour séduire les consommateurs... Quitte à créer des gammes toujours plus spécifiques selon le linge nettoyé ou le cycle utilisé, et à transformer cet achat de produit de première nécessité en un véritable casse-tête.
Cycle court, linge délicat, peaux sensibles, couleurs foncées... Faut-il vraiment avoir quatre ou cinq lessives différentes chez soi? RMC Conso fait le point.
Une lessive "cycle court" pas plus efficace
La dernière arrivée au rayon lessive: la spéciale "cycle court" de la marque Skip, efficace même en 15 minutes, selon l'emballage. Une innovation qui répond à un besoin de consommateurs toujours plus pressés et qui disposent de moins en moins de temps pour les tâches ménagères.
"Comprendre les besoins des consommateurs est la clé de notre innovation en matière de blanchissage et, jusqu'à présent, les lessives n'ont pas suivi l'évolution des comportements", déclare Eduardo Campanella, président de la division Home Care de Skip, sur le communiqué de presse présentant le produit.
Est-il pour autant indispensable de faire tourner son cycle court avec cette lessive spécifique? Selon le test réalisé par RMC Conso, le résultat est décevant. Sur des tâches tenaces, le lavage en cycle court a été plus efficace avec une lessive généraliste qu'avec la lessive spécialement prévue à cet effet.
"Les cycles courts sont faits pour rafraîchir rapidement des vêtements peu sales. Ils ne suffisent pas pour des vêtements très tâchés," justifie à RMC Conso Virginie Denfert, déléguée générale de la Fédération hygiène et entretien responsable, qui regroupe les grandes marques d'hygiène et d'entretien.
En termes de "rafraîchissement", les deux lessives ont laissé une odeur agréable de parfum sur les vêtements. Se pose alors la question d'investir des deniers supplémentaires dans cette lessive spécifique, 10% plus chère que la gamme généraliste.
Le prix au litre a peu d'intérêt
Pour Nicolas de Bronac, PDG de Sequoia pressing, contacté par RMC Conso, acheter plusieurs lessives est inutile:
"Historiquement on avait qu'une seule lessive et ça suffisait. Aujourd'hui il y a des lessives pour tout, mais ce n'est que du marketing. La lessive "cycle court", c'est la même lessive que les autres, elle est juste un peu plus concentrée," estime-t-il.
Selon lui, la lessive est de plus en plus diluée par souci économique:
"On vous vend des bouteilles d'1,5L voire 2L pour vous faire croire qu'il y a plus de lessive, mais c'est faux, elle est simplement moins concentrée. C'est pour ça que ce qu'il faut regarder sur l'emballage, c'est le nombre de lavages".
Une information obligatoirement indiquée sur l'étiquette. Le spécialiste du nettoyage recommande donc d'opter pour le format le plus concentré possible, c'est-à-dire qui permet le plus grand nombre de lavages avec la plus petite bouteille, plutôt que de chercher le prix au litre, qui ne veut finalement pas dire grand chose en matière de lessive.
"25 lavages pour 1L, c'est bien," ajoute-t-il.
Il est plus judicieux de calculer le prix de revient par lavage: autour de 15 à 20 centimes pour une lessive généraliste, mais qui peut monter parfois à plus de 40 centimes le lavage pour une lessive spéciale pourtant pas forcément très utile.
"Linge délicat", "spécial blanc" ou "couleurs foncées"
Les lessives pour le linge délicat seraient composées de détergents, ou tensioactifs, moins nombreux et moins agressifs que les lessives généralistes, mais seraient par conséquent moins efficaces sur les salissures, selon des tests réalisés par 60 millions de consommateurs. Là encore, se pose donc la question de l'intérêt de ces produits spéciaux.
Les lessives estampillées "spécial blanc" et les lessives en poudre contiennent des agents blanchissants, qui peuvent redonner un peu d'éclat au linge blanc. Ce dernier peut néanmoins être nettoyé avec une lessive généraliste sans problème.
Quant à celles prévues pour les couleurs foncées, "elles contiennent des molécules spéciales pour empêcher que les couleurs ne dégorgent, contrairement aux lessives généralistes qui peuvent affadir un peu les couleurs," explique Virginie Denfert.
"Ce sont des molécules qui rendent la lessive plus acide, si vous voulez économiser des sous, vous n'avez qu'à ajouter une cuillère de vinaigre blanc dans votre lessive, cela fera le même effet," précise à ce sujet Nicolas de Bronac.
Si vous utilisez malencontreusement votre lessive spécial "noir" sur du linge blanc, pas de panique donc: elle ne contient pas de colorant ou quoi que ce soit qui puisse faire déteindre vos vêtements clairs.
Pour les peaux sensibles
Les personnes allergiques ou à la peau très sensible fuiront les lessives qui contiennent des parfums allergènes ou des conservateurs. Les allégations présentes sur l'emballage de type "hypoallergénique" ou "peaux sensibles" ne doivent pas toujours être prises pour argent comptant: nous avons trouvé un conservateur particulièrement allergisant dans la composition d'une lessive "sensitive".
Renseignez-vous sur la liste des 26 parfums allergènes et évitez les conservateurs qui finissent par "isothiazolinone".
De manière générale, il vaut mieux privilégier une lessive dont la liste des ingrédients est la plus courte possible.
"On évite les lessives qui contiennent des phosphates ou phosphonates, on cherche des ingrédients d'origine végétale et des produits qui ne contiennent pas trop de parfum," conseille Sylvain Glazman, fabricant indépendant contacté par RMC Conso.
Des labels existent, comme le label "écolabel européen", peu exigeant selon Nicolas de Bronac, mais qui garantit tout de même le respect d'un cahier des charges qui engage à utiliser moins de produits chimiques toxiques. Plus exigeant, le label "écocert" est aussi un gage de produit plus vertueux pour l'environnement et meilleur pour la santé.
Attention en revanche au label "cleanright", qui ne repose que sur de l'auto-déclaration des fabricants.