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Les secrets de Kiabi pour rester la marque de vêtements préférée des Français

L'enseigne a réalisé 2,5 milliards d'euros de chiffres d'affaires en 2024, soit une hausse de 5% par rapport à l'année précédente (photo d'illustration).

L'enseigne a réalisé 2,5 milliards d'euros de chiffres d'affaires en 2024, soit une hausse de 5% par rapport à l'année précédente (photo d'illustration). - PHILIPPE HUGUEN / AFP

L'enseigne Kiabi vient d'être nommée marque de vêtements préférée des Français, selon un panel publié ce mercredi. Paradoxalement, le secteur de l'habillement multiplie les liquidations judiciaires. Kiabi semble faire figure d'exception.

Kiabi, c'est la marque de vêtements préférée des Français, selon un panel de Numerator, publié ce mercredi 24 septembre. L'enseigne rassemble près de 24 millions de clients dans le monde, répartis sur 33 pays. La marque française résiste bien, alors que le reste du secteur de l'habillement est en crise depuis près de trois ans.

Pimkie, Kookaï, Gap France, Camaïeu, Naf Naf, Du pareil au même, IKKS, Minelli, San Marina et plus récemment, Jennyfer... toutes ces enseignes sont tombées depuis 2022. Au total, entre 2023 et 2024, ce sont 1.000 entreprises du secteur qui ont disparu pour un total de 4.000 emplois détruits.

Kiabi, à l'inverse, est en situation de croissance. Elle est, aujourd'hui, le leader en volume sur l’habillement en France. L'enseigne a réalisé 2,5 milliards d'euros de chiffres d'affaires en 2024, soit une hausse de 5% par rapport à l'année précédente (2,22 milliards d'euros), selon les chiffres que nous a communiqué le groupe.

L'enseigne a même connu un bond de 10% en 2022, alors que dans le même temps le marché du prêt-à-porter reculait au global de 3,5%, selon l'Alliance du commerce. Alors comment expliquer ce succès?

"C'est la dimension familiale qui la différencie"

"Kiabi c'est la marque des familles et des petits prix, c'est très clair dans la tête des gens parce que ça fait plus de 20 ans qu'ils le martèlent. Quand une enseigne comme La Halle tentait une montée en gamme opportuniste et ratée, Kiabi a eu l'intelligence de garder son positionnement", analysait Frank Rosenthal, expert de la consommation, il y a un an auprès de BFM Business.

Un constat largement partagé par Sophie Malagola, styliste créatrice et spécialiste des tendances mode.

"Le succès d'une marque réside dans le fait qu'elle reste cohérente et ne perde pas son identité au fil du temps. Kiabi a toujours maintenu le même axe et ne l'a jamais trahi. Les consommateurs savent pertinemment pourquoi ils y vont et ce qu'ils vont y trouver", nous assure-t-elle.

Dans le classement des marques de vêtements préférées des Français, on retrouve l'enseigne irlandaise Primark à la deuxième place et la marque asiatique Shein, souvent décriée, à la dixième position. Comment se fait-il que Kiabi parvienne à s'imposer face à ces puissantes enseignes?

"C'est vraiment la dimension familiale qui la différencie de ces autres marques. D'ailleurs, il n'y a pas tant d'enseignes qui sont positionnées sur ce segment aujourd'hui, à part notamment Decathlon", explique-t-elle. Les deux enseignes font partie de la galaxie Mulliez.

"Kiabi a une bonne connaissance de sa clientèle et est présente à chaque rendez-vous mode, comme les soldes et Noël, mais surtout pour la rentrée scolaire. Donc pour les Français, c'est une marque qui leur rend service. Il y a un côté affectif et rassurant, ils y sont vraiment attachés", note Sophie Malagola.

Et pour cause, l'enseigne a lancé un Observatoire des familles (comme l'a fait Leroy Merlin) pour bien connaître les attentes de ses clients. Comment les Français s'habillent-ils? Quelles sont leurs attentes? Comment évoluent les tailles?

C'est dans cette logique que l'enseigne a lancé le programme de fidélité "En Famille", qui offre des réductions toute l'année. En 2022, la marque a également relancé l'enseigne spécialisée Kiabi Kids, notamment pour conquérir les centres-villes.

Par ailleurs, pour soigner sa réputation vis-à-vis de ses clients fidèles, Kiabi se défend de faire reposer son modèle sur celui de la fast fashion:

"Nous on ne fait pas de fast fashion, notre légitimité c'est sur l'enfant et le bébé. La fast fashion consiste à faire consommer des produits dont on n'a pas besoin. C'est l'inverse de ce que fait Kiabi", avait affirmé Fabrice Obenans, directeur de la marque Kiabi, à BFM Business.

Avec six périodes commerciales par an, Kiabi produit malgré tout beaucoup de vêtements, 800.000 par jour selon une enquête du média Disclose, et est considérée comme une marque de fast fashion. Même si cela reste moins que l'ultra fast fashion comme Shein, qui sort une collection toutes les trois semaines.

Des prix bas et une bonne présence en ligne

Le second pillier du succès de Kiabi, c'est bien sûr ses prix. Depuis la création de la marque, la notion est présente jusque dans le slogan: "la mode à petits prix".

"Le rapport qualité-prix est une des principales motivations qui fait revenir les clients de Kiabi", souligne la spécialiste des tendances mode.

Mais cette dimension s'est accentuée avec l'inflation sur l'alimentaire et le carburant dès 2022. En effet, Kiabi a mis en place un "bouclier anti-inflation", en bloquant les prix de 140 produits basiques (jeans, soutiens-gorge, pantalons, pyjamas pour bébé…). Dans un contexte de hausse généralisée des prix, cela a permis à l'enseigne d'être identifiée comme un sauveur du pouvoir d'achat.

Des tarifs qui lui permettent quand même de dégager des marges suffisantes pour développer son e-shop, ce que Primark peut difficilement se permettre avec son modèle ultra low-cost. Kiabi réalise ainsi 16% de son chiffre d'affaires sur le web, soit l'équivalent de 90 magasins. Cet enjeu, la marque l'avait compris dès le départ.

"Par rapport à d'autres enseignes de mode, Kiabi a bien pris le virage d'internet. Elle a, aujourd'hui, une grande force de frappe avec son site et est aussi présente sur les market place", affirme Sophie Malagola.

"L'omnicanalité" est ainsi au coeur de sa stratégie, comme nous le pointe le groupe, avec "une intégration fluide entre magasins et digital", notamment via le site d'e-commerce, la nouvelle application lancée en 2025, le live shopping, le click & collect ou encore les e-réservation.

Kiabi a aussi réussi à créer une véritable communauté sur son site, avec des photos des looks des clients, mais aussi sur les réseaux sociaux. Les vidéos d'essayage de vêtements par les internautes se sont multipliées ces derniers mois. Une publicité gratuite, qui lui a complètement profité.

Cette présence en ligne va de paire avec la multiplication des ouvertures de magasins. En 2023, Kiabi a ouvert une trentaine de magasins et s'est implantée sur de nouveaux territoires comme l'Uruguay, l'Égypte, la Nouvelle-Calédonie ou plus récemment en Inde avec l'arrivée sur la marketplace Myntra, leader local du secteur. Actuellement, le groupe compte près de 640 points de contacts.

Diversification et innovations

"Kiabi n'est pas du tout une marque vieillissante. Elle est particulièrement attentive aux tendances et prends des éléments de l'ère du temps pour les réadapter à sa manière", analyse Sophie Malagola.

Celle-ci a multiplié, ces dernières années, les stratégies de diversification, toujours "en cohérence avec son image", rappelle la spécialiste. Depuis 2021, Kiabi propose la location de vêtement (pour les cérémonies par exemple), l'abonnement ou encore l'occasion.

Les magasins disposent désormais tous de corners "Seconde main by Kiabi". La marque a aussi lancé cette année "Beebs", une application dédiée à la seconde main, utilisée par 2,5 millions de personnes. Elle est disponible dans 156 magasins, avec un objectif de 100 points de vente supplémentaires d'ici la fin de l'année.

D'après le directeur de la marque, c'est "un service très utile aux familles. On est le premier vendeur de vêtements de seconde main en France dans les magasins physiques". Ces activités restent marginales dans les ventes globales de l'entreprise, mais elles soignent l'image de modernité de la marque.

"Ça leur permet de ne pas être distancé. Si vous ne faites pas de seconde main, vous reculez sur un gâteau qui a déjà tendance à rétrécir. Surtout quand en face vous avez un Vinted", déclarait l'année dernière le spécialiste de la consommation Frank Rosenthal.

Ce n'est pas tout. Kiabi a trouvé de nombreux autres relais de croissance: cette année, elle a lancé "KITCHOUN", une marque de chaussures pour bébé. Auparavant, elle avait également lancé une collection de vêtements pour les femmes enceintes, une lingerie post-opératoire, ou encore la gamme So Easy, des vêtements facile à enfiler et à retirer pour les enfants qui souffrent d'un handicap physique.

Comme de nombreuses enseignes de mode (H&M, Primark, Zara etc.), Kiabi a aussi investi le secteur de la maison avec Kiabi Home en 2024.

"C'est un marché très dynamique, notamment depuis le covid avec les confinements. Les Français ont redécouvert l'importance de bien se sentir chez eux. Avec cette gamme, Kiabi réussit donc à capter une clientèle qu'elle a déjà, mais sur un autre domaine", conclut Sophie Malagola.

Des projets en cours et à venir

Pour les années à venir, c'est un travail sur les marques que Kiabi a mis en chantier. D'abord en accueillant des marques tierces dans ses magasins comme Isotoner, les ustensiles Rand ou encore Chaussexpo.

À la manière d'une marketplace sur internet, cela permet à Kiabi de proposer plus de produits et d'engranger des revenus à moindre coûts.

Enfin, la marque souhaite étendre ses propres corners Kiabi pour proposer une sélection de vêtements dans les enseignes alimentaires, comme elle le fait déjà chez Auchan en France ou Cora en Belgique.

Emma Forton