Impôt des retraités: combien allez-vous perdre si l'abattement fiscal de 10% est supprimé?

Deux retraités sur un banc (photo d'illustration). - Pixabay
Si vous êtes retraité, vous avez peut-être déjà fait la déclaration de vos revenus de 2024, ouverte depuis le 10 avril. Et, dans ce cas, profiter d'un abattement fiscal de 10%. Cette déduction automatique sur vos revenus (dans la limite toutefois de 4.399 euros) permet de baisser le montant de votre impôt.
Mais dès l'année prochaine, vous pourriez payer plus. Ce samedi 19 avril dans une interview au Parisien, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a évoqué la possibilité de supprimer cet abattement. Une mesure qui serait prise dans le cadre du budget 2026 et qui permettrait de récupérer près de 5 milliards d'euros, sur les 40 que le gouvernement cherche à économiser.
Une proposition qui n'a pas manqué de faire réagir. La quasi intégralité de la classe politique, de la gauche à la droite, y étant opposée. Mais si elle venait à être adoptée, quel impact aurait-elle?
• Qu'est-ce que cet abattement?
À bien des égards, cet avantage fiscal des retraités ressemble à la déduction, de 10% également, dont bénéficient les actifs salariés. Mais l'un et l'autre ne doivent pas être confondus.
D'abord, l'un est un abattement et l'autre une déduction. Même si cela se ressemble, ce n'est pas la même chose sur le plan fiscal: l'abattement est appliqué systématiquement alors que la déduction laisse le choix au contribuable. Pour les actifs, la déduction de 10% est censée couvrir les frais professionnels. Mais ils peuvent très bien choisir de déclarer leurs frais professionnels réels à la place.
Ensuite, l'abattement des retraités n'a rien à voir avec de supposés frais professionnels: ils n'en ont pas. Cet abattement a été mis en place en 1978 pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'à la retraite, les revenus baissent. Mais également car les pensions de retraites étant déclarées par des tiers, en l'occurrence les caisses de retraite, elles échappent à tout risque de sous-déclaration.
Cet abattement sert donc d'une certaine manière à compenser le fait que les retraités ont moins la possibilité que d'autres de dissimuler une partie de leurs revenus au fisc. Un avantage fiscal car ils ne peuvent pas frauder en somme... Mais plus globalement, il sert à alléger la charge fiscale, en particulier pour certains foyers aux ressources modestes ou moyennes.
Enfin, dernière spécificité: cet abattement est limité à 4.399 euros par foyer, alors que la déduction pour les actifs peut atteindre 14.171 euros. Ainsi, un foyer retraité déclarant par exemple 60.000 euros aura le même abattement qu'un autre déclarant 43.990. À savoir 4.399 euros.
• 500.000 retraités nouvellement imposables
Les deux principales conséquences d'une suppression de l'abattement de 10% des retraités? Des retraités non imposables le deviendraient, et ceux déjà imposables paieraient encore davantage.
Il est difficile de déterminer précisément le nombre de retraités qui deviendraient subitement imposables. Cela dépend effectivement des situations de chacun. Mais d'après le syndicat Unsa-Retraités, cela en concernerait 500.000.
Il est difficile de déterminer le montant exact de pension à partir duquel les retraités, privés d'abattement, deviendraient nouvellement imposables. Cela dépend des éventuels autres revenus dont dispose le foyer, ou s'il bénéficie d'autres réductions.
Mais Unsa-Retraités souligne qu'aujourd'hui, un retraité qui perçoit une pension de 1.542 euros (et ne perçoit pas d'autres revenus ni ne bénéficie d'autres réductions) ne paye pas d'impôt sur le revenu. Avec la suppression de l'abattement, il paierait 272 euros.
• 8,4 millions dont l'impôt augmenterait
Sur les quelque 17 millions de retraités, 8,4 millions sont imposables d'après l'Unsa-Retraites. Un peu moins de la moitié d'entre eux donc, soit une proportion assez similaire à celle de tous les Français. Pour rappel, sur les 40,7 millions de foyers que compte le pays, 18,2 millions (soit 44,7%) sont asujettis à l'impôt sur le revenu.
Néanmoins dans cette presque moitié de retraités imposables, "tous ne sont pas des riches, loin de là", affirme l'Unsa-Retraites qui s'oppose à la suppression de cet abattement. Et pour eux, cette mesure induirait un surcoût fiscal non négligeable.
Le magazine spécialisé dans la fiscalité Le Revenu a effectué plusieurs simulations pour des couples de retraités. Il a par exemple calculé qu'un couple percevant 40.000 euros de pensions paye actuellement un impôt sur le revenu de 609 euros. Avec l'abattement de 10% donc. Sans, le montant qu'il devrait payer serait plus que doublé: il passerait à 1.248 euros.
Logiquement, plus un foyer dispose de revenus importants plus il paye d'impôt sur le revenu. Et plus il en payerait davantage avec la suppression de l'abattement. Le Revenu prend ainsi l'autre exemple d'un foyer disposant de 65.000 euros de ressources. "La perte de l'abattement se traduirait par un surcoût fiscal de 1.320 euros", écrit le magazine.
• Des effets secondaires
Outre le fait de rendre imposable ou d'augmenter le montant de l'impôt, la suppression de l'abattement induirait d'autres effets préjudiciables pour les concernés.
D'abord, le fait d'être non-imposable donne droit à certaines prestations. Aides au logement, complémentaire santé solidaire, aides à l'adaptation (MaPrimeAdapt')... Les quelque 500.000 retraités qui deviendraient imposables risqueraient de perdre l'accès à ces dispositifs.
Aussi, la suppression de l'abattement de 10% impliquerait pour tous une hausse du revenu fiscal de référence (RFR). Or, ce dernier sert de critère pour obtenir certaines prestations sociales ou des exonérations sur d'autres impôts (locaux, taxe foncière...).
L'Unsa-Retraites s'inquiète en particulier du risque, pour une partie des retraités, de changer de tranche de CSG (contribution sociale généralisée). Cet impôt auquel sont également soumis les retraités comporte trois taux différents en fonction du niveau de vie: 3,80% (réduit), 6,60% (médian) ou 8,30% (normal).