"Vente flash", "Traincroyables"... Les promotions de la SNCF, vrais bons plans ou fausses promesses?

SNCF: des voyageurs sortant d'un train Ouigo en 2017 à Paris-Montparnasse - JACQUES DEMARTHON / AFP
"200.000 billets à 19 euros max". Ces mercredi 3 et jeudi 4 septembre, Ouigo, la filiale low cost de la SNCF, lance une vente de billets à petits prix pour des départs entre le 8 septembre et le 13 décembre.
Une opération qui inaugure une série de promotions pour le mois de septembre: suivront des ventes flash sur les Intercités et les trains de nuit du 10 au 12 septembre, puis sur les lignes européennes du 17 au 23 septembre.
Mais que valent vraiment ces promotions? Offrent-elles des réductions intéressantes? RMC Conso a enquêté, en collaboration avec le service data de BFMTV.com.
Aucune réduction sur 75% des trajets
Nous avons comparé les prix de 50 trajets différents, sur des liaisons très empruntées (Paris-Bordeaux, Paris-Marseille, Paris-Aix-en-Provence, Paris-Montpellier et Paris-Lyon, Allers et retours), à des dates différentes entre le 8 septembre et le 13 décembre (en semaine et le week-end), et à toutes heures de la journée.
Nous avons d'abord relevé les prix de ces 50 trajets la veille de la promotion, mardi 2 septembre, puis le premier jour de la promotion, mercredi 3 septembre. Cette comparaison nous a permis d'arriver au constat suivant: les réductions sur les billets de train sont plutôt rares, malgré la promesse promotionnelle.
Sur les 50 trajets étudiés, 38 n'ont pas vu leur prix évoluer entre la veille de la promotion et le jour de la promotion: ils sont restés exactement au même tarif. Cela signifie que 75% des trajets n'étaient pas concernés par une baisse de prix.
Les prix de 10 trajets ont toutefois bien baissé. Mais la plupart sont en semaine (8 trajets). Par ailleurs, 7 trajets partent ou arrivent dans une gare moins fréquentée et plus difficile d'accès (Marne-la-Vallée).
Autre enseignement de notre enquête, les baisses sont rarement significatives: sur les 50 trajets étudiés, l'économie maximale possible est de 23 euros mais ne concerne qu'un seul trajet. L'économie est de 10 euros sur 3 trajets et de seulement 6 euros sur 6 trajets. Notons enfin que pour deux trajets, les prix ont même... augmenté.
"Une opération marketing"
Des résultats qui ne surprennent pas François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports (FNAUT).
"Les ventes flash sont uniquement là pour écouler les invendus, pas pour faire plaisir au consommateur... Les bonnes affaires, ce sont eux qui les font! Et puis ça leur permet de faire croire qu'ils proposent encore des petits prix, alors que c'est rarement le cas. C'est du marketing," fustige-t-il auprès de RMC Conso.
"Les TGV, ce sont 150 millions de voyageurs par an... Alors 200.000 billets, c'est rien du tout," ajoute-t-il en soulignant que les billets concernés par des réductions sont essentiellement des trains à des horaires peu convoîtés, ou bien sur un sens de circulation seulement (l'aller en promotion et pas le retour, ou inversement), ce que confirme notre enquête.
"Et comme on ne sait pas ce qu'ils mettent en vente exactement, car ils refusent de nous fournir l'inventaire... C'est impossible de savoir précisément ce qu'ils prévoient comme réductions..."
Sollicité par RMC Conso, Ouigo n'a pas donné suite à notre demande. Mais comment expliquer que même lors des périodes promotionnelles, obtenir des billets de train à un prix abordable relève du parcours du combattant? Et pourquoi, in fine, le train coûte-t-il si cher?
Pourquoi le train coûte si cher
Pour le comprendre, il faut regarder de plus près le mode de fixation des prix du train: la tarification dynamique. Cette stratégie, qui augmente la rentabilité des billets, repose non pas sur le coût du trajet en lui-même (c'est-à-dire l'entretien du train, l'énergie dépensée ou le salaire du conducteur...) mais sur la demande.
Résultat, plus il y a de personnes susceptibles d'être intéressées par un trajet, plus le prix du billet augmente. Comme la demande évolue au fil du temps (plus on se rapproche de la date de départ, plus elle est grande), les prix des billets fluctuent en permanence. Ce qui explique que, même pendant la vente flash, vous ne trouverez pas d'aller-retour Paris-Aix-en-Provence pour le week-end prochain à 19 euros...
Outre cette tarification dynamique, il est vrai que le manque d'offre et de concurrence participent à maintenir des prix élevés. Par ailleurs, le coût des infrastructures a un impact important sur le prix du billet: le péage ferroviaire, qui finance l'entretien du réseau, pèse pour 35% dans le coût total du trajet. Et plus la distance parcourue est grande, plus ce coût augmente.
L'avion souvent moins cher que le train
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle sur de nombreux trajets, lorsque l'alternative existe, l'avion est moins cher que le train. Selon plusieurs récentes enquêtes réalisées par Greenpeace, l'UFC-Que choisir et Réseau action climat, le train est moins cher que l'avion lorsqu'il existe une ligne ferroviaire directe (par exemple, Paris-Lyon).
Néanmoins, l'avion est moins cher que le train lorsqu'il n'existe pas ou plus de ligne directe en train. Réseau action climat donne l'exemple de la ligne Nantes-Marseille, dont la liaison ferroviaire a été supprimée en 2020. Le trafic aérien sur cette ligne (qui existe en vol direct avec Ryanair) a augmenté de 11% entre 2019 et 2024, et le prix du billet d'avion revient très souvent moins cher que le prix du billet de train avec correspondance via Paris.
D'autre part, l'avion est moins cher que le train sur les trajets internationaux dans 60% des cas étudiés par l'UFC-Que choisir.
Sur un trajet Paris-Barcelone, le prix est même deux à trois fois plus élevé en train qu'en avion selon l'étude du Réseau action climat. Pourquoi? Simplement parce que non seulement il existe, sur cette ligne, une concurrence importante dans l'aérien, avec des compagnies low-cost qui cassent les prix, mais en plus, le coût de revient du trajet est plus important en train.
Dans le détail, le coût de revient d'un vol low-cost est, selon Réseau action climat, d'environ 79 euros, sur lesquels on compte 39 euros de frais d'infrastructures (redevance aéroport principalement), 17 euros d'énergie (kérosène), 11 euros de taxe et 13 euros d'autres frais dont l'achat du matériel, les salaires du personnel, l'administratif etc.
Le coût de revient du même trajet en train est de 103 euros, dont 57 euros de frais d'infrastructure (principalement le péage ferroviaire), 9 euros d'énergie (électricité), 4 euros de taxe et 33 euros d'autres frais dont l'achat du matériel, les salaires du personnel, l'administratif, etc.
Le prix du billet peut faire le yo-yo d'un jour sur l'autre
La low cost économise en vendant à perte (elle fait son chiffre d'affaires non pas grâce à la vente du billet mais sur des services et options annexes), en rognant sur certaines choses comme le personnel ou la place dans l'avion, et en utilisant une tarification tellement dynamique que le prix du billet peut faire le yo-yo d'un jour sur l'autre et donc tomber très bas.
Par ailleurs, la redevance aéroport est moins élevée que le péage ferroviaire sur une longue distance parce qu'un trajet en avion ne nécessite pas d'entretien de rails, très coûteux. Enfin, si l'énergie utilisée (le kérosène) est plus onéreuse (et bien plus polluante) que l'électricité, elle est toutefois exempte de taxe. Autre avantage fiscal du secteur aérien: il n'y a pas de TVA sur les trajets internationaux.
Vous comprenez maintenant pourquoi le train est souvent plus cher que l'avion. L'ouverture du train à la concurrence pourrait amener à des baisses de prix. Mais selon les associations, il est surtout nécessaire de baisser le trafic aérien en le taxant plus, dans le but de rééquilibrer les différences de prix entre train et avion et de restimuler le trafic ferroviaire.