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Guerre en Ukraine: comment les Russes perçoivent et s'informent sur le conflit

La guerre en Ukraine est aussi une guerre de communication. Comment les Russes perçoivent cette guerre à leur frontière, alors que le Kremlin a coupé l’accès a plusieurs médias occidentaux et autres médias indépendants. Rencontre avec trois russes qui essayent de contourner le filtre du Kremlin.

La BBC, Radio Free Europe, la Deutsche Welle,… ces radios, télévisions ou sites internet de médias occidentaux ne sont plus disponibles en Russie depuis ce vendredi.

La guerre armée, sur le terrain, en Ukraine, est couplée une guerre de communication, où censure et propagande opèrent, de part et d’autre, depuis le début de l’invasion russe.

RMC a rencontré trois russes dans la Russie de Vladimir Poutine. Ils sont tous les trois opposés à l’intervention en Ukraine de la Russie. Nick est photographe, il a 38 ans et vit à Moscou. Pour lui l’opération armée de la Russie en Ukraine est "n’est pas seulement une guerre, c’est un crime."

Cette parole est rare. En effet, une telle prise de position peut lui faire perdre son emploi, et il peut être même arrêté s’il manifeste dans la rue. Mais elle est rare aussi parce qu’elle est à contre-courant de quasiment tous les discours médiatiques aujourd’hui en Russie:

"Les nationalistes ukrainiens aux commandes des bataillons nationaux continuent les tirs sur les populations de Donetsk et de Lougansk, continuent de prendre des otages à Marioupol. Le sang continue de couler à cause des criminels de la direction actuelle de Kiev qui continue de donner des ordres criminels", pouvait-on-entendre sur la première chaîne de télévision russe, ce vendredi.

Le contrôle du Kremlin sur les médias se renforce

Ce vendredi, la Douma, le parlement russe, a adopté une nouvelle loi qui crée un délit pénal pour ceux qui diffuseraient des informations “non-conformes” à celles du gouvernement sur la guerre en Ukraine. La semaine dernière déjà il avait interdit l’utilisation des mots guerre et invasion dans les médias.

Pour Mathieu Jégo, journaliste à BFMTV et ancien correspondant à Moscou, a constaté une mise en scène de l’armée russe, quand elle passe à la télévision : "on la voit distribuer des vivres à la population, reprendre des territoires. Jamais on ne la montre malmenée comme peuvent le montrer les médias ukrainiens."

"De nombreux Russes ne savent pas ce qu’il se passe en Ukraine"

Cette propagande d’État prend sur certaines parties de la population, notamment les plus âgés, ceux qui ont vécu pendant le régime soviétique. "On a dit a une très grande partie de la population issue de l’union soviétique, toute leur vie, que la seule source d’information était la télévision", estime Nick.

Pour lui "de nombreux Russes ne savent tout simplement pas ce qu’il se passe vraiment en Ukraine."

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Plus de Facebook en Russie

Est-il alors possible de passer à travers ce filtre de la télévision russe? Robert, habitant de Moscou, l’avoue: il n’a plus la télé depuis des années. Il s’informe uniquement en ligne. Mais là encore la censure opère, et s’est accélérée ces derniers temps:

"Jusqu’à peu nous avions encore quelques médias d’opposition en ligne. L’Écho de Moscou ou Dodj par exemple. Aujourd’hui ils ont été censurés. Ils ont même bloqué Facebook en Russie."

Contourner la censure

Certains tentent de contourner la censure avec par exemple un VPN, un outil qui permet de cacher ses actions en ligne et ainsi éviter les blocages. Mais beaucoup ne savent pas s’en servir. Alexey, un russe francophone, forme ses proches et tente au maximum de se faire le relai d’une autre information:

"J’essaie de dire aux gens qu’il faut montrer à leurs parents les chaînes Youtube, les articles des journaux internationaux, indépendants, pour que les parents connaissent aussi l’autre côté de la situation."

Malgré la censure, chaque soir ou presque, des Russes manifestent contre la guerre dans les grandes villes du pays. 8 000 d’entre eux ont d’ailleurs été interpellés.

C’est le cas d’Alexey, il est descendu jeudi dernier dans les rues de Moscou, a été arrêté puis relâché, il sera jugé d’ici deux semaines et risque 15 jours de prison.

Romain Houg (avec MM)