Crise dans la fonction publique: pourquoi le secteur n'arrive plus à recruter

La fonction publique n'attire plus et ça risque de durer. La crise de l'attractivité des métiers de la fonction publique est "structurelle, durable et généralisée", selon un rapport de France Stratégie publié lundi.
Une situation qui pourrait même s'aggraver encore dans les années à venir, toujours selon ce rapport. Beaucoup partent à la retraite et il n'y a pas assez de monde pour les remplacer. Une crise qui affecte "les trois versants" de la fonction publique: la fonction publique d'Etat, hospitalière et territoriale.
En 2016, 297.000 candidats se sont présentés aux épreuves, contre seulement 151.000 en 2022.
En 2018, seulement 5% des postes offerts aux concours de la fonction publique d'Etat n'ont pas été pourvus. Ce chiffre monte à 15% en 2022. De moins en moins de candidats, parce que la rémunération des agents est souvent jugée insuffisante. Le secteur privé reste souvent plus intéressant sur ce point.
Les soignants se détournent de plus en plus de la fonction publique
Autre défi pour la fonction publique, réussir à conserver ses agents. Les départs volontaires, sans lien avec la retraite, "sont en nette augmentation". En effet, ils sont en hausse de 47% entre 2014 et 2022. Des solutions existent selon France Stratégie comme augmenter les salaires ou bien consolider la notion de l'emploi à vie des fonctionnaires. Une notion qui perd de son pouvoir d'attraction, notamment dans les secteurs où l'offre d'emploi est abondante, comme dans les métiers du soin et du numérique, par exemple.
Dans la fonction publique hospitalière, 21% des lits d'hôpitaux de l'Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP) ont été fermés en 2022, dont 70% par manque de personnel. Dès leurs études, les soignants se détournent de la fonction publique, certains écoeurés par leurs premiers stages.
Avec une mère enseignante et un père fonctionnaire d'Etat, le métier d’infirmier, Nassim ne le voyait pas l’exercer ailleurs qu’à l’hôpital public. “Les valeurs de la République, c’est quelque chose qui me touche. J'idéalisais le métier d’infirmier, d’infirmier fonctionnaire aussi. Je ne voulais pas quelque chose avec de la rentabilité”, explique-t-il. Mais quand cet étudiant évoque ses stages, tout son corps se crispe.
“C’était en service de soins intensifs. J'arrivais la boule au ventre. Je faisais des crises de panique, je pleurais dans les toilettes. On pleurait aussi entre étudiants parce que les conditions sont inhumaines, on est mal encadrés. Le plus dur, je pense, c’est de ne pas avoir un hôpital qui soit humain”, assure-t-il.
Des conditions de formation en question
Sur la table à côté de lui, ses livres scolaires. Nassim est censé être diplômé dans quelques mois. “Je n’ai plus envie d’être infirmier. Franchement, 2.000 euros net, et encore, c’est la fourchette haute, avec les responsabilités d’un infirmier où chaque geste nous engage”, pointe-t-il. Cette désillusion, de nombreux étudiants infirmiers la partagent.
“Nous recevons en moyenne environ 10 appels par jour d’étudiants en détresse, explique Ilona Denis, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières. On souhaite toujours former plus d'étudiants, mais il est nécessaire de questionner les conditions de formation dans lesquelles les étudiants sont accueillis”, appuie-t-elle.
En dix ans, le taux d'abandon des étudiants infirmiers a doublé.