Patron de PME au bord du burn-out: "J'ai la boule au ventre, je ne dors plus"

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"Dès le début ça a été compliqué: choisir le bon statut. Les investissements sont très très lourds, on n'est pas du tout aidés par les banques. Comme on est des professionnels de la route depuis très longtemps, on s'est dit qu'on connaissait bien le système, les raccourcis, les clients…
Mais notre boulot est pris par les travailleurs détachés des pays de l'Est, ils roulent à 80 centimes du kilomètre. Pour nous, à 1,05 du kilomètre ce n'est même pas la peine de rouler. C'est une concurrence déloyale totale.
J'ai la boule au ventre continuellement. Le vendredi, j'ai envie de voir mon mari, mais je ne me languis pas de rentrer à la maison parce que rien qu'à l'idée d'ouvrir la boite aux lettres, j'ai la boule au ventre. Je ne dors plus. C'est le Trésor public, ce sont des réglementations nouvelles presque tous les mois qui nous coûtent énormément d'argent et qu'il faut mettre en place.
"Depuis 2013, je n'ai pas fait de nuit de plus de 4 heures"
En ce moment on n'a plus de trésorerie, on est ric-rac. On a toujours l'appréhension qu'un client ne nous paie pas et qu'on ne puisse pas faire de gasoil dans un véhicule.
Là on surveille l'augmentation du carburant. Avant il était à 1,05 et il est en train de flamber. Si le gasoil augmente trop pour nous c'est horrible. Depuis 2013, je n'ai pas fait une nuit de plus de 4 heures.
J'essaie souvent d'appeler l'administration pour avoir des échelonnements, on tombe sur des gens qui font le strict nécessaire dans leur boulot. Il faut les rappeler, faire des lettres recommandées, dès qu'on paie en retard il faut payer 250 euros, donc il faut refaire des lettres pour qu'ils soient un peu sympas… C'est tout le temps comme ça.
"Parfois je m'effondre en larmes"
Parfois quand je fais ma vaisselle le week-end je m'effondre en larmes. C'est cette fatigue qui vous ronge petit à petit. Tous les samedis on se demande si on continue ou pas. On se dit que ça peut aller mieux, on est bosseurs, on est volontaires, on ne regarde pas les heures, on se dit qu'il faut continuer, que ce sont nos camions, notre matériel.
Depuis avril 2016, on a diminué nos salaires de 700 euros. J'aimerais que le parlement nous entende, j'aimerais parler à ce président qui ne nous entend pas. Pour eux la vie est facile, ils ont des chauffeurs, ils mangent bio, ils n'ont pas la réalité des choses.
J'en suis arrivée à un point où je me demande pourquoi on ne vend pas la maison, on achèterait une petite maison et on se contenterait de manger des pommes de terre et des salades et profiter de nos petits-enfants".