"Expliquez-nous" - Coronavirus: dans quelles situations les salariés peuvent-ils exercer leur droit de retrait?
Dans l’Essonne, la majeure partie des conducteurs de bus exercent leur droit de retrait. Lundi, des dizaines de lignes ont été interrompues et le mouvement pourrait se poursuivre mardi. Les chauffeurs demandent des moyens de protection et des consignes à suivre de la part de leur direction.
Mardi matin, une réunion d’information aura lieu entre les salariés du Château de Versailles avant l’ouverture du site. Un site qui pourrait rester fermé si les employés exercent leur droit de retrait.
Quant au Musée du Louvre, une assemblée générale aura lieu mercredi pour déterminer si le site reste fermé au public. Dans ces trois cas, salariés et syndicats réclament des mesures de prévention concrètes. Ils estiment que les réponses apportées par les autorités comme se laver régulièrement les mains ou encore éternuer dans son coude ne sont pas assez rassurantes pour poursuivre leur travail.
Dans les faits, le droit de retrait est régi par l’article L4131 du Code du Travail. Il prévoit qu’un travailleur peut se retirer, quitter son poste de travail, quand il a un motif raisonnable de penser qu’il est en situation de danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Dans ce cas-là, le salarié, seul ou en groupe, cesse le travail. Il n’est pas en grève, il n’a pas a déposer de préavis. Son employeur ne peut le sanctionner ni lui retirer son salaire.
En revanche, s’il estime que le droit de retrait est abusif, l’employeur peut saisir la justice, par exemple les prud'hommes en référé. Et si la justice donne raison à l’employeur, le salarié peut être sanctionné voir licencié.
La peur d’un virus peut-elle être considérée comme un motif légitime?
Théoriquement non. Mais c’est une question d'interprétation. Le Code du Travail indique qu’un salarié peut cesser le travail lorsqu’il pense être en danger. Autrement dit lorsque la justice est saisie, elle ne se demande pas si le danger était réel, mais si le salarié pouvait en toute bonne foi penser qu’il était en danger.
Dans ce cas on peut se dire que les salariés du Louvre qui accueillent 30.000 personnes par jours, dont 70% d'étrangers, peuvent se sentir en danger. De même que des chauffeurs de bus dans l’Oise ou ailleurs en Ile-de-France.
Sauf qu’une circulaire de 2009, c’est à dire de l'époque de l'épidémie de grippe H1N1 a indiqué que la peur d’une pandémie ou d’un virus n’était pas un motif suffisant. "La seule exposition au virus H1N1, ou la crainte qu’il génère, ne justifie pas l‘exercice du droit de retrait"… Si, parce qu’il y a un si, l’employeur a pris des mesures de précaution, de préventions de prudence et si l’employeur a fait diligence. C’est a dire a qu’il a agit rapidement.
Les entreprises ont-elles pris des mesures de prévention?
Les salariés des compagnies de bus estiment que non. Parce qu’ils ont demandé des gels pour se laver les mains et qu’il n’ont rien reçu. Les salariés du Louvre avaient aussi demandé des masques et des vitres en plastiques devant les caisses. La direction du musée répond que le mouvement est illégitime parce que l'établissement a appliqué toute les recommandations des ministères de la Culture et de la Santé.
Si le mouvement devait durer ou s’il devait s'entendre notamment dans les transports la justice pourrait être amené à trancher.
Ce qui semble sûr, c’est que de droit au retrait serait validé si votre employeur veut vous faire travailler au côté d’un collège qui présente des symptômes. De même, le droit au retrait serait légitime si votre patron vous demande aujourd’hui de partir en voyage en Chine ou en Iran. Et même en Italie du Nord.
En revanche, un employé ne peut pas refuser de venir travailler simplement parce qu’il a peur de la promiscuité dans les transports en commun. Le droit au retrait s’exerce sur le lieu de travail, pas pour le trajet domicile/travail...
Une question de civisme
Autant de questions qui relèvent souvent de simples questions de civisme et de responsabilité de chacun. Le risque serait une contagion... de droit au retrait.
Déjà, des enseignants d’une école d’une commune de l’Oise, l‘ont exercé. C’est à Plessis-Belleville. La FSU, le syndicat de l’éducation nationale, s’est prononcé pour un droit au retrait pour les enseignants souffrant de maladie chronique ou de maladie respiratoire.
D’autres salariés dans toutes les professions au contact du public pourrait alors être tenté de cesser le travail. Dans le commerce, la restauration, l’enseignement et pourquoi pas à l'hôpital... Samedi soir, les personnels du service des urgences de l'hôpital de Brest ont exercé un droit au retrait. Mais ils l’ont fait de façon symbolique, au moment de la relève, lorsqu’ils avaient fini leur journée de travail…