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A Damas, rencontre avec ces familles qui ont fui la guerre et l'Etat islamique

REPORTAGE - Après cinq ans de guerre, un Syrien sur deux a été obligé de quitter son domicile. Mais tous n'ont pas pu, ou pas voulu partir, et se sont déplacés, à l’intérieur de la Syrie. Beaucoup ont trouvé refuge dans le centre-ville de Damas. Une zone contrôlée par le régime, donc relativement épargnée par les bombardements massifs. RMC les a rencontrés.

Hicham a le regard triste. Le regard de ceux que la guerre a brisé. Un peu honteux, ce Syrien ouvre à RMC la porte de la petite pièce où il vit avec sa famille. "Je vis et je dors ici avec mes deux filles et ma femme, indique-t-il. Il y a deux lits pour mes filles et avec ma femme nous dormons sur un matelas, à même le sol." Cela fait maintenant trois ans qu’Hicham vit dans cette chambre, prêtée par son employeur. Trois ans qu’il a fui sa maison, en courant, avec seulement une valise.

"Un obus est descendu sur notre bâtiment et on a vu du feu, de la poussière partout… Et puis, cela n'a pas arrêté de tirer, de bombarder. C'était la folie, se souvient-il. Quand j'ai vu mes filles en train de pleurer (silence). On a été obligé de quitter la maison". "J'ai travaillé toute ma vie, j'ai acheté cette maison, je l'ai meublée et maintenant je l'ai perdue…", déplore-t-il. Et d'ajouter : "En apparence, on fait semblant d'être contents, de bien vivre mais en réalité je n'ai rien. Je dois tout recommencer à zéro".

"A Raqqa, c’est comme si on est déjà tous morts"

Hicham a trouvé un toit, d’autres familles vivent dehors, sur une place du centre-ville. Elles n’ont pas fui l’enfer des bombes, mais celui de l’Etat islamique. C’est le cas de Rania. Il y a 15 jours à peine, elle était habillée en noir des pieds à la tête, et n’osait plus sortir de sa maison. Elle fait partie de ces rares personnes à avoir réussi à fuir la ville de Raqqa.

"On a payé un chauffeur routier, et on s’est cachés dans son camion, au milieu des moutons. C’est comme ça qu’on a réussi à fuir, témoigne-t-elle. C’est l’enfer là-bas ! Je n’avais pas le droit de sortir toute seule, je devais m’habiller avec les vêtements noirs de Daesh. Un jour, ils ont lapidé à mort une femme devant tout le monde parce qu’elle avait une relation hors mariage." Et de poursuivre, écœurée : "A Raqqa, c’est comme si on était déjà tous morts. On est seulement des corps, on n’a plus d’âme." La jeune fille est partie sans rien. Pas même un sac à dos. Elle n’a pas d’argent et pas de travail. Mais au moins ici, dit-elle, il y a autre chose que du noir.

M.R avec Marie Régnier