Attaque de Magdebourg: "la vigilance s'émousse", selon Eric Delbecque, expert en sécurité intérieure

Une voiture a foncé sur la foule d'un marché de Noël vendredi soir dans la ville allemande de Magdebourg, faisant deux morts et plus de 60 blessés, dans un attentat présumé dont le suspect d'origine saoudienne a été arrêté. L'attaque survient huit ans après un acte similaire commis sur un marché de Noël de Berlin, alors que l'Allemagne, en pleine campagne électorale, est en état d'alerte contre le risque d'attentats.
Pour l'expert en sécurité intérieure et ancien directeur sûreté de Charlie Hebdo après l'attentat de 2015 Eric Delbecque, "on peut être étonnés qu'un véhicule puisse aller au cœur d'un marché de cette nature et puisse faire plusieurs centaines de mètres et faucher autant de gens".
"On a parlé de dispositifs de sécurité, notamment des plots ou des poteaux qui auraient dû empêcher ça. Mais pratiquement on comprend pas comment ça a pu arriver et ça va être un des temps forts de l'enquête, de vérifier quelles ont été les conditions qui ont permis à un tel véhicule de faire ça", détaille-t-il.
Une sécurité à déplorer?
L'expert l'indique: les conditions concrètes de sécurisation de ces évènements peuvent laisser à désirer. "C’est souvent moins idéal qu’on ne le pense".
"On n'a pas toujours pris, en termes de précautions, la mesure de tout ce qui nous est arrivé depuis plus de dix ans".
En effet, l'Allemagne a déjà connu une attaque sanglante au camion-bélier contre un marché de Noël en décembre 2016, revendiqué par le groupe Etat islamique (EI), qui a fait 12 morts en plein centre de Berlin et plus de 60 blessés. Depuis, plusieurs attentats ou projets d'attentat à motivation islamiste, et impliquant des ressortissants étrangers, ont ébranlé le pays ces derniers mois.
Pour Eric Delbecque, souvent, "le minimum n'est pas fait en termes de contrôle d’accès ou de surveillance globale de l'événement". Mais il tient tout de même à nuancer: "Il ne s'agit pas de bunkeriser tout évènement. Ca ne serait pas tenable et ce n’est pas souhaitable".
"Il s'agit simplement de dire qu’on ne vit pas dans un monde, surtout dans une période de festivités comme celle que l’on aborde, qui est toujours totalement prévoyant", alerte-t-il.
Renfort humain et contrôle des flux
Alors quel est ce minimum à appliquer en termes de sécurité? Comme il l'explique, il faut commencer par essayer de scénariser ce qui peut arriver de malveillant sur ce type d’évènement, "savoir qu’on est dans une séquence particulièrement sensible, difficile à l’approche des fêtes".
Puis, il doit y avoir un renfort humain, de police nationale ou municipale, de sécurité privée. Enfin, "avoir un contrôle d'accès un petit peu sérieux, pour voir ce qu’il se passe au niveau des flux humains", et par conséquent être en capacité de pouvoir bloquer un véhicule-bélier qui servirait d’arme par destination.
"On ne peut pas partir du principe que tout a forcément été fait", questionne l'expert.
Et cela peut s'expliquer par une vigilance qui "s'émousse". Selon lui, depuis quelque temps, nous avons été habitués par des attaques "low cost", avec des individus avec un couteau qui vont essayer de faire plusieurs une ou plusieurs victimes.
Il conclut tout de même par un conseil: "Quel que soit le courant idéologique, il ne faut jamais donner raison en arrêtant de vivre. Il faut continuer à vivre tout en étant vigilant et prendre les précautions qui s’imposent".