"Expliquez-nous": AKK, la dauphine de Merkel, renonce à lui succéder
La présidente de la CDU, ministre de la Défense, celle qu’on appelle AKK a annoncé qu’elle renonçait à tenter de succéder à la chancelière, Angela Merkel, dans un an et demi. On l’appelle AKK, parce que c’est plus simple que son nom complet. Annegret Kramp Karren Baueur. On l’appelle aussi souvent “Mini Merkel”, ce qui l'énerve parce qu'à 57 ans, et avec trois enfants adultes, elle estime avoir passé l'âge de se faire appeler “Mini”. Elle avait été choisie par Angela Merkel pour lui succéder lors des prochaines législatives prévues au plus tard à l’automne 2021. Après 16 ans de règne Merkel, une femme aurait alors succédé à une femme à la tête d’une grande puissance.
AKK était programmée pour ce destin. Elle a longtemps été présidente de la Sarre. Elle s’est faite élire à la tête de la CDU le grand parti conservateur, il y a un peu plus d’un an. Elle est ensuite devenue ministre de la Défense, succédant à Ursula Von der Leyen lorsqu’elle a pris la tête de la commission européenne. AKK fait partie de ces femmes qu’Angela Merkel a souvent nommées aux plus hauts postes et qui lui sont parfaitement loyale.
C’est une femme d’ordre qui aime la police et que les policiers aiment aussi. Elle est catholique pratiquante, elle a défendu les quotas de femme, le salaire minimum, l’impôt sur les grandes fortunes. Elle a aussi approuvé en 2015, la politique d'accueil des migrants syriens. Mais elle n’était pas fan du mariage pour tous. Bref un profil de chrétienne conservatrice, et une femme qui avait jusqu'à hier de bonnes chances de diriger l’Allemagne l’année prochaine.
Alors pourquoi a-t-elle jeté l’éponge ?
À cause de ce qui s’est passé mercredi dernier en Thuringe. Dans ce petit état de l’ex-Allemagne de l’Est, après des élections régionales, un libéral Thomas Kemerich s’est fait élire président avec les voix de la CDU et de l'extrême droite.
Un véritable tremblement de terre parce que jamais, en Allemagne depuis 1945, la droite et l'extrême droite ne s’étaient pas alliés. Le jour de son élection, dans l'hémicycle, une députée du groupe de gauche s’est avancée vers le nouveau président avec un bouquet de fleurs puis les a jetés à ses pieds en geste de mépris. Dès le lendemain, Thomas Kemmerich réalisait à quel point il avait brisé un tabou et préférait démissionner. L’alliance de la droite et de l'extrême droite n’aura tenu que 24 heures, mais 24 heures de trop, pour toute la classe politique allemande.
L’AFD, le parti d'extrême droite est le troisième parti allemand depuis les dernières législatives en 2017. Il compte 92 députés au parlement à Berlin. Mais il ne dirige aucune région, aucune grande ville. Jusqu’à présent, un cordon sanitaire l’a tenu hors du pouvoir. Ce qui s’est passé en Thuringe, c’était comme une digue qui se brisait.
Il faut dire qu’en plus dans cette région l’extrême droite est particulièrement radicale. En effet, dans ce “Land” de Thuringe, l’AFD, est dirigée par un ancien prof de gym et d’histoire de 47 ans : Bjorn Höcke. Un homme qui estime que Hitler n’est pas le mal absolu, que l’histoire ce n’est jamais noir ou blanc. Il a qualifié le mémorial de la shoah de Berlin de monument de la honte. Le patron de la CDU en Thuringe parle de lui en disant que c’est tout simplement un Nazi. Ce qui ne l’a pas empêché de voter avec lui mercredi dernier. Mais que reproche-t-on a AKK dans cette affaire.
Qui pour succéder à Merkel ?
Et bien d’avoir manqué d’autorité. Elle était bien sûr opposée à cette alliance de la CDU et de l'extrême droite. Comme sa patronne Angela Merkel qui l’avait qualifié de faute impardonnable. Elle s'était rendu à Erfurt, la capitale de la Thuringe pour essayer de convaincre les élus locaux de la CDU. La réunion avait duré cinq heures. Elle n’a pas été écoutée et elle en a tiré lundi les conséquences.
Elle paye aussi de mauvais résultats aux dernières Européennes, en mai dernier. Et lors d’une autre élection régionale ou la CDU était arrivée derrière l'extrême droite. Chez nous, on dirait aussi qu’elle est très austère et qu’elle manque de charisme. Mais en Allemagne, ce n’est pas un problème. Et du coup qui va lui succéder et donc peut être succéder à Angela Merkel ? La bataille ne fait que commencer, mais lors des élections pour la présidence du parti, AKK avait battu de justesse un avocat très conservateur Friedrich Merz, 64 ans. Qui figure donc forcément aujourd’hui parmi les favoris.
Il faut retenir son nom, Friedrich Merz. C’est l’ancien président du conseil de surveillance de la filiale allemande de Blackrock, le plus grand fond d'investissement du monde. Autrement dit, c’est le diable pour la gauche française.