Forte abstention à la présidentielle tunisienne: "Que je vote ou non, mon pays est déjà détruit"

Le premier tour de l’élection présidentielle tunisienne a été marqué par une forte abstention avec seulement  45% de participation, selon des premiers chiffres. Un scrutin boudé par de nombreux jeunes déçus de la classe politique tunisienne au pouvoir depuis la révolution de 2011.

L'outsider Kais Saied, un universitaire sans parti politique, serait en tête du premier tour de la présidentielle tunisienne, selon des résultats partiels officiels. La deuxième place reste indécise, Kais Saied devance l'homme d'affaires en prison Nabil Karoui (14,9% des voix selon ce décompte partiel), au coude à coude avec le candidat du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou (13,1% des voix).

Mais ce premier tour de l’élection présidentielle tunisienne a aussi été marqué par une forte abstention. Seulement 45% de participation, c’est 20 points de moins qu’aux élections de 2014. Un scrutin boudé par de nombreux jeunes déçus de la classe politique tunisienne au pouvoir depuis la révolution de 2011.

"Même si le futur président dit qu’il est honnête, une fois élu, il ne fera rien sauf servir ses intérêts"

Dans le quartier populaire de Bab Souika à Tunis, nous avons rencontré, Aymen, 21 ans, jouant à la belotte en terrasse. Autour du tapis de cartes, trois des quatre joueurs ne sont pas allé voter. Aymen n’y voyait pas l’intérêt: "Que je vote ou non, mon pays est déjà détruit".

Huit ans et demi après la révolution tunisienne, c'est la désillusion dans le regard du jeune homme. Ni l’homme d’affaires Nabil Karoui, ni l’universitaire Kaïs Saied ne l’ont convaincu.

"Même si le futur président dit qu’il est honnête, une fois élu, quand il aura l’argent et le pouvoir entre les mains, il ne fera rien, sauf servir ses intérêts".

Certains veulent quitter le pays et tenter l'aventure européenne

Cette année Aymen doit passer son baccalauréat à Tunis, Ayoub lui, va commencer à étudier. "Ici, en Tunisie, peu importe nos compétences, on n’est pas à l’abri de se retrouver au chômage". Il a donc déjà pris sa décision:

"J’ai mon visa pour Allemagne, je suis inscrit à la faculté. Dans deux semaines je quitte la Tunisie, mais je sais déjà que je ne reviendrai pas en Tunisie."

La date du second tour du scrutin présidentiel en Tunisie n’est pas encore connue, mais Ayoub sera très certainement déjà parti pour l'Europe.

Benoît Ballet et Marie Monier (avec J.A.)