Guerre en Ukraine, instabilité mondiale: la France a-t-elle une carte à jouer sur la dissuasion nucléaire?

La France est la seule nation de l’Union européenne à avoir l’arme atomique. Les autres pays sont sous le "parapluie américain" dans le cadre de l’Otan. Ce qui pose problème quand on écoute Donald Trump. Dépendre de lui, c’est pas rassurant. La seule solution, c’est de se tourner vers la France.
Mais le principe de la dissuasion nucléaire, c’est justement que ça ne se partage pas. C’est la garantie de notre indépendance. La France a lancé son programme nucléaire sous la IVe République, dans les années 1950. Et quand de Gaulle arrive au pouvoir, la guerre froide entre l’URSS et les Etats-Unis bat son plein. Le général choisit son camp : aucun des deux ! Il affirme son indépendance. Donc il accélère les choses sur le nucléaire. Et en 1960, le premier essai nucléaire français a lieu sur la base de Reggane, dans le Sahara. C’est le début d’une doctrine diplomatique et militaire : celle de l’autonomie stratégique. Autrement dit : ne dépendre de personne pour notre défense. Il n’y a que 9 pays à avoir la bombe nucléaire. C’est donc un club très privé.
La garantie de la paix?
La bombe atomique, c’est beaucoup de théorie. Dieu merci d’ailleurs. L’idée, c’est que deux puissances nucléaires ne peuvent pas se faire la guerre. Sinon, elles détruiraient la planète. Mais paradoxalement, la bombe atomique garantit une certaine paix. En 1945, les Etats-Unis ont envoyé deux bombes nucléaires sur le Japon. Et depuis, ça n’est plus arrivé. Et on connaît quand même la plus longue paix en Europe depuis l’Empire romain, donc statistiquement, la dissuasion nucléaire, ça fonctionne.
Quand a-t-on été proches de l'utiliser?
Si, plusieurs fois. Le moment le plus chaud, c’est la fameuse crise des missiles de Cuba. Nous sommes en 1962. Les Etats-Unis avaient décrété un blocus autour de Cuba. L’URSS, allié de Cuba, envoyait des bateaux et du matériel nucléaire pour équiper l’île. Cuba devenait donc une menace direct pour les Américains. Ce qui était inacceptable pour le président de l’époque, John F. Kennedy. Pendant deux semaines, la tension monte. Les deux premières puissances nucléaires du monde sont à deux doigts d’entrer en guerre. Finalement, l’URSS accepte de retirer ses missiles de Cuba. De leur côté, les Américains promettent de ne pas envahir l’île. C’était moine une.
Comment la France peut partager sa bombe sans renoncer à son indépendance ?
C’est tout le problème. La puissance nucléaire, ça ne se prête pas, c’est le principe. Ca veut dire qu’on doit être les seuls à pouvoir la déclencher. On pourrait garantir une protection nucléaire aux Européens, mais sans leur donner le droit de s’en servir de façon autonome. Ca impliquerait aussi un partage des dépenses. Ca nous coûte quand même plus de 5 milliards par an. Faire de la dissuasion française une dissuasion européenne, c’est possible, mais ça doit être une négociation. Pas un cadeau.