Immigration: l'Europe se dirige-t-elle vers un nouveau durcissement de l'accueil des étrangers?

Les 27 vont plancher sur la question de l’immigration ce jeudi au Conseil européen. La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen promet d’ouvrir la boîte à idées. On aurait pu imaginer qu'elle était satisfaite de son "Pacte Asile et Immigration" adopté juste avant les européennes. Mais non, elle adresse une lettre aux 27, et promet une nouvelle loi pour favoriser les expulsions et renforcer les frontières de Schengen. Elle appelle les Etats à proposer des "solutions innovantes".
Et des tabous tombent déjà: l’Allemagne rétablit le contrôle de ses frontières, les Pays-Bas et la Hongrie veulent des dérogations au "Pacte Asile et Immigration". Le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui a présidé le Conseil Européen pendant cinq ans, et qui n’est pas un eurosceptique populiste, suggère cette semaine de suspendre le droit d’asile, comme la Finlande le fait déjà. C’est un point faible de la politique européenne: 20% seulement des déboutés du droit d’asile retournent dans leur pays d’origine.
L’Italie vient d’expulser des migrants vers l’Albanie. Et c’est peut-être ce qu’il faut comprendre par "solution innovante": externaliser la procédure d’asile hors des frontières de l’Union.
Meloni a-t-elle ouvert la voie?
Les esprits évoluent vite sur cette question. Quand Londres a voulu envoyer des migrants vers le Rwanda, tout le monde a crié au scandale. Quand Rome a lancé son projet, les autres pays étaient un peu crispés.
Mercredi, la marine italienne a traversé l’Adriatique avec 16 hommes d’Egypte et du Bangladesh pour les installer en Albanie dans un centre de rétention flambant neuf. La Première ministre italienne Giorgia Meloni se vante d’être devenue un exemple européen. Un modèle à suivre. "C'est une voie nouvelle, courageuse, sans précédent qui a tous les atouts pour être suivie par d'autres pays non-membres de l'UE", lance-t-elle.
Une ministre néerlandaise évoque la possibilité d'envoyer les demandeurs d’asiles déboutés vers l’Ouganda. Désormais, on vise les individus, moins les pays dont ils partent et qui ne coopèrent pas.
Et la France?
En France, une nouvelle loi est en préparation. Bruno Retailleau n’écarte pas d’ailleurs la formule italienne. Mercredi soir, un sondage Elabe pour BFMTV nous apprenait que les Français sont favorables à un durcissement de nos règles sur l’immigration.
Pour l’Elysée, en revanche, l’enjeu de ce Conseil européen, c’est avant tout la mise en place, du "Pacte Asile et Immigration". Et c’est bien Emmanuel Macron qui siège au Conseil. Mais il ne sera pas le seul à Bruxelles, Michel Barnier doit rencontrer les élus du PPE, la droite européenne, arrivée en tête. Mais il reste sous surveillance. Marine Le Pen sera à Bruxelles aussi ce jeudi.
Les élections européennes ont changé la donne
Les équilibres ont changé. Mais on peut aussi remarquer que l’Union s’est rarement trouvée à ce point sur la même longueur d’onde. La droite peut désormais former des majorités avec les souverainistes, les patriotes, les anti-européens aussi.
La nouvelle commission européenne penche très à droite et ajoutons que c’est la Hongrie dirigée par Viktor Orban, d’extrême droite, qui occupe la présidence tournante de l’UE. Ça c’est pour les élus, les politiques.
Mais pour ce qui est des citoyens européens, selon une étude de la Fondation pour l’innovation politique, un "think tank" français qui publiait en mai un rapport intitulé "les européens abandonnés au populisme". On y lit que 86% des européens réclament une meilleur protection des frontières communes, qu’ils soient de gauche, comme de droite.