Journaliste français emprisonné en Turquie: "On lui reproche d'avoir fait son travail"
Depuis 18 jours, Mathias Depardon, journaliste français, est détenu en Turquie. Il a été interpellé pour "propagande terroriste", accusé d'avoir pris des photos de jeunes militantes du PKK selon Christophe Deloire, secrétaire général de "Reporters sans frontières" et invité dans Bourdin Direct.
"Ce qu’on lui reproche en réalité c’est d’être journaliste, c’est d’avoir fait son travail, c’est d’avoir photographié des jeunes femmes activistes du PKK. Or, prendre des clichés de jeunes militantes engagées dans un parti terroriste ne fait pas de vous un propagandiste. Sinon, chaque photographe de guerre est un criminel de guerre, chaque photographe qui prend des photos de gens malades d’une épidémie propage l’épidémie. C’est absurde".
Pour Christophe Deloire, toutes ces accusations servent de prétexte aux autorités turques pour empêcher les journalistes de travailler. "La carte de presse est nécessaire pour travailler dans certaines régions en Turquie. Ça fait cinq ans qu’il est là-bas et qu'il a demandé son renouvellement mais les autorités font traîner. Ça n’est qu’un prétexte, parce que Mathias Depardon est l’instrument d’une politique du gouvernement Erdogan, consistant à empêcher que des journalistes se rendent dans certaines zones du pays".
Des propos appuyés par Danièle Van de Lanotte, la mère de Mathias. "C’est sa carte de presse qui n’a pas été renouvelée. Peut-être qu’il a frôlé une région dangereuse. Ils sont en train de faire une enquête pour vérifier que Mathias n’a pas eu à faire avec le PKK".
Selon la mère de Mathias, son fils est très isolé et a commencé une grève de la faim. "Il a pu parler à son avocate au début mais c’est terminé maintenant. Elle doit prendre l’avion pour le voir. Le consulat n’a pas encore pu y aller donc pour l’instant, il est très isolé. Il a décidé de faire une grève de la faim, et je suis forcement inquiète. Ça fait déjà 6 jours maintenant et on ne peut pas dire qu’il soit le plus costaud physiquement. Il n’a pas tellement de réserve donc ça peut vite devenir dangereux pour sa santé".
La situation pourrait prendre un nouvelle tournure explique Christophe Deloire, depuis qu'Emmanuel Macron a rencontré le président Erdogan, lors du sommet de l'Otan jeudi. "Il faut de l’espoir, même si on n’est à l’abris de rien. Le gouvernement Erdogan a prouvé par le passé que, s’agissant de certains journalistes, tous les prétextes étaient possibles. C’était extrêmement important que le président de la République en parle avec Erdogan. Nous sommes satisfaits de constater que ça a été une vraie discussion, ça n’a pas été au détour d’une phrase".
Depuis le putsch raté et l'instauration de l'état d'urgence, en juillet 2016, plus de 140 médias ont fermé, 700 cartes de presse ont été annulées et plus de 100 journalistes sont emprisonnés, recense Reporter Sans Frontière.