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Les Tunisiens aux urnes dimanche entre désespoir et colère

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REPORTAGE RMC - La Tunisie va élire son prochain président après le décès de Beji Caïd Essebi. le premier tour de l'élection présidentielle aura lieu dimanche dans un climat de méfiance chez les citoyens.

Dimanche 15 septembre, 7 millions de Tunisiens seront appelés aux urnes pour élire leur prochain président, 8 ans et demi après la révolution tunisienne qui amena la démocratie au pouvoir.

Une élection précipitée par la mort du président Beji Caïd Essebsi le 25 juillet dernier, à quelques mois de la fin de son mandat. Le scrutin est incertain, 26 candidats sont en lice et impossible de prédire avec certitude qui s’affrontera au second tour.

Le taux de chômage est de 15% en moyenne dans le pays, le coût de la vie a augmenté de 30% depuis 2016 et le malaise économique et social du pays est grandissant.

Grève de la faim, colère et sentiment d'abandon

A Fouchana, ville de la banlieue populaire de Tunis, une dizaine de personnes sont en grève de la faim depuis 5 jours pour réclamer un travail. Assia est furieuse, sa colère se ressent jusque dans ses mains qui s’agitent sans cesse. Ca fait 3 ans que cette mère de famille de 35 ans est au chômage.

"J'ai 10 ans d’expérience en administration. Factures, ventes, caisse... Tout ce qui est logistique J’ai 10 ans d’expérience. Je suis au chômage!"

Elle a ainsi entamé une grève de la faim il y a 5 jours. Un cri de désespoir.

"En ce moment je ne vis pas, je survis. Je n'achète jamais de viande, je ne fais jamais plaisir à mes enfants. Heureusement que mes proches m'aident sinon je ne m'en sortirai pas. Par exemple, là, c’est la rentrée scolaire, et je n’ai pas de quoi acheter un stylo pour mes enfants!"

Ce sentiment d'abandon, on le ressent jusque dans un café d'habitués non loin. De l'eau et des cigarettes près de la fenêtre, c'est ici que Rabbia est régulièrement attablé avec ses amis.

"J'ai 27 ans et je n'ai encore jamais travaillé. Il n'y a pas une entreprise où je n'ai pas postulé. J'ai passé des concours, j'ai tout fait. Je n'ai pas trouvé d'emploi pour le moment."

"J'espère que la situation va s'améliorer dans les cinq prochaines années. Si ce n'est pas le cas alors je ne voterai plus jamais"

En 2011, le jeune homme était encore étudiant. Huit ans et demi après la révolution tunisienne, il ne veut pas entendre parler de démocratie. 

"Tout le monde parle de la démocratie mais ce ne sont que des mots, mais moi je ne la voit pas." 

Derrière son comptoir, Karim acquiesce tristement. 

"Ce sont des menteurs. Tous les politiciens disent qu'ils sont avec les pauvres, qu'ils vont faire ci ou ça. Et après: zéro. C'est au peuple tunisien de rendre la Tunisie très belle, j'aime la Tunisie et je dois travailler pour elle."

Rabbia a déjà pris sa décision pour dimanche. 

"J'irai voter et j'espère que la situation va s'améliorer dans les cinq prochaines années. Si ce n'est pas le cas alors je ne voterai plus jamais et je quitterai le pays car la Tunisie n'aura plus rien à m'offrir."
Marie Monier et Benoît Ballet (avec J.A.)