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"Sa mort nous laisse sans guide": à Beyrouth, l'assassinat d'Hassan Nasrallah inquiète et interroge

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"C’était l’homme attendu, par tout le monde, les gens qui l’aiment, ceux qui le détestent", réagit une habitante de Beyrouth à l'annonce de la mort d'Hassan Nasrallah, tué dans une frappe israélienne vendredi. Comme beaucoup de Libanais, l'inquiétude et la crainte pour l'avenir prédominent et la plupart songent désormais à quitter le pays.

Le Hezbollah, puissant groupe chiite allié du Hamas palestinien en guerre contre Israël dans la bande de Gaza, a confirmé samedi 28 septembre la mort de son chef Hassan Nasrallah dans un bombardement israélien vendredi dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du mouvement.

Les habitants qui espéraient que la mort du leader du mouvement chiite mette la fin la guerre se réveillent grogis. L’objectif revendiqué par Israël est d’éliminer totalement le parti-milice mais cette stratégie inquiète beaucoup de Libanais qui craignent de voir le fragile équilibre politique du pays s’effondrer. "Sa mort nous laisse sans guide", confie, émue, une habitante chiite de Beyrouth au micro de RMC.

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Au moment où le communiqué du Hezbollah confirmant la mort d’Hassan Nasrallah commence à être diffusé par les médias, radio-télé mais aussi sur les réseaux sociaux, samedi, c’est le pays tout entier qui se fige. Pour une partie de la population, Hassan Nasrallah était une figure, un héros. Le long des rues, des hommes et des femmes s'effondrent, crient et cachent leurs larmes.

Culte de la personnalité

À la tête du Hezbollah depuis 1992, Hassan Nasrallah, 64 ans, était un homme de religion qui faisait l'objet d'un véritable culte de la personnalité parmi la communauté chiite au Liban. Depuis des années, il vivait dans la clandestinité et apparaissait rarement en public.

Dans les quartiers chrétiens, la présence militaire et les contrôles sont renforcés. On redoute des provocations ou des violences de la part de miliciens du Hezbollah. Personne ici ne veut revivre les années tragiques de la guerre civile libanaise jusque dans les années 90.

"Je ne souhaite la mort de personne"

D’autres sont calfeutrés. Le bruit du backgammon de Tony résonne dans le silence du quartier chrétien Ashrafieh. "Je ne souhaite la mort de personne, Nasrallah était Libanais après tout, mais j’aurais préféré qu’il n’aille pas dans cette guerre", déclare-t-il au micro de RMC, alors que se trouvent à quelques mètres de lui des militaires armés.

Sarah craint un chaos interne : "Parce qu’il y a des gens qui sont heureux et d’autres qui en pleurent, je ne sais pas s’il y aura des clashs entre les communautés mais j’espère que non."

La jeune chiite, émue, avoue ne pas croire encore à la mort du chef du Hezbollah. "C’était l’homme attendu, par tout le monde, les gens qui l’aiment, ceux qui le détestent", commente-t-elle.

"On attendait Nasrallah à la télévision pour voir ce qu’il va dire, les propos, l’avenir, le but ! On va où, on fait quoi?", explique Sara, habitante chiite de Beyrouth

C'est toute une communauté qui désorientée et un avenir désormais incertain pour le pays, souligne Samer. "Soit les Israéliens poussent leur avantage, donc ils continuent à bombarder, ou ça se calme de l’autre côté et ils arrêtent. On ne sait pas !"

"Nasrallah était LE terroriste", selon Netanyahu

"Nous avons réglé nos comptes avec le responsable du meurtre d'innombrables Israéliens et de nombreux citoyens d'autres pays", a dit le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. "Nasrallah n'était pas un terroriste comme les autres. Il était LE terroriste, il était le pivot de l'axe, le moteur central de l'axe du mal iranien", a-t-il aussi déclaré.

Rassemblement interdit de plus de 1.000 personnes

Toute la journée, la tension n’a cessé de monter à Beyrouth. Que vont faire désormais les partisans d’Hassan Nasrallah encore en vie ? Ils sont plusieurs dizaines de milliers. Personne ne les voit abandonner le combat. Certaines communautés craignent qu'ils cherchent à se venger de cette humiliation.

Les autorités libanaises ont interdit tout rassemblement de plus de 1.000 personnes pour les prochains jours. Mais les funérailles d’Hassan Nasrallah, dont la date n’est pas encore connue, pourrait rassembler plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues de Beyrouth.

Fuir le pays

L’attente est douloureuse. Beaucoup d’habitants de Beyrouth cherchent à partir. Chaque Libanais rencontré, qui possède une autre nationalité ou un visa pour un pays étranger, ne cache pas qu’il se pose la question. Les franco-libanais sont en contact avec l’ambassade de France qui, pour le moment, ne donne aucune consigne à ceux présents sur le territoire libanais.

Ali, un jeune libanais du sud du pays qui avait trouvé refuge à Beyrouth fuyant les bombes, cherche à partir en Turquie mais ne trouvait pas de vol car de moins en moins de compagnies desservent encore l’aéroport de Beyrouth.

Et puis il y a le cas des Syriens. Ils sont plusieurs centaines de milliers réfugiés au Liban depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011. Selon l’ONU, près de 50.000 d’entre eux ont franchi la frontière dans l’autre sens en rentrant en Syrie cette semaine. Un afflux inédit de retour qui montre à quel point tout le monde ou presque ici cherche à fuir la guerre.

Marion Gauthier et Nicolas Ropert avec Léo Manson et AFP