"J’ai toujours la même passion": l’intégralité de l'interview de Tom Cruise par Marion Bartoli

Marion Bartoli: Bonjour Tom, je t’ai rencontré l’année dernière à Wimbledon, c’est un jour que je n’oublierai jamais. Tu es venu me saluer, c’était un plaisir de te rencontrer… Un an plus tard, nous voilà de nouveau réunis sur RMC. Je viens de voir "Mission Impossible : Dead Reckoning" et c’est à mon tour de te féliciter.
Tom Cruise: Merci, je suis privilégié aussi, je t’ai vu jouer au tennis, nous en avons déjà parlé tous les deux et tu sais aussi bien que moi l’implication que ce genre de projet demande. L’implication totale que l’on doit mettre, ce par quoi on doit passer pour créer ce genre de chose. Quand tu m’as demandé si tu pouvais m’interviewer, j’ai tout de suite dit oui. Merci pour tes mots, ça veut dire beaucoup pour moi. Tu comprends tout ce que j’ai mis dans ce film, toute mon envie, mon implication totale et constante. Pour réaliser ce genre de film, on doit toujours aller de l’avant.
Marion Bartoli: Dans ce film, il y a évidemment ces cascades incroyables que tu réalises. C’est la marque de fabrique de "Mission Impossible". Tu sautes de cette falaise en Norvège. Tu as mis la vidéo du tournage de cette scène sur tes RS pour que l’on puisse voir les coulisses. Quand j’ai vu cette scène, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir peur pour toi. Quel type d’entrainement as-tu suivi pour réussir cette cascade ?
Tom Cruise: L’important, c’est de s’entourer des bonnes personnes. Je saute déjà en parachute, je pilote des hélicoptères, des jets, des avions… Je pratique le parachutisme depuis des années, et j’ai dû travailler le base jump à une altitude inhabituelle. J’ai dû habituer mon esprit à ce rythme, à ouvrir le parachute en 6 secondes. Quand je plonge, si je regarde le sol, je peux partir en toupie et perdre le contrôle. Le but, c’est de garder un maximum d’air sous mon corps pour voler et réussir la cascade. Ce sont donc des années de parachutisme que j’ai appliquées pour ce saut. Je roule aussi à moto depuis toujours. Ensuite, j’ai dû travailler sur le style que je voulais donner à mon saut. J’ai passé du temps à choisir la moto. Quel type de moto? Quelle vitesse? Ce que les gens ne savent pas, c’est que d’un côté de la rampe, il y avait un drone, tout prêt, et de l’autre côté, un hélicoptère, très proche du saut également. J’ai dû gérer tout ça pour réaliser la scène. Donc il n’y a pas de secrets. Pour réaliser ce genre d’action, il faut s’entrainer encore et encore. Et quand tu n’en peux plus de t’entrainer, et bien tu t’entraines encore plus. En fait, j’ai regardé la manière dont vous, les athlètes, vous vous entrainez. Que feraient des athlètes à ma place? Parce qu’avec tout ce travail, je n’avais pas beaucoup de temps pour récupérer. J’ai donc travaillé spécifiquement pour préserver mon corps. Comment optimiser mon entrainement pour pouvoir gérer et encaisser les efforts? Et cette cascade, je l’ai réalisée le tout premier jour du tournage, en plein milieu de la pandémie de Covid. Ça, c’est une autre histoire. Tout le monde nous disait qu’on ne pourrait pas faire un film. On a dit: "Si, vous verrez, on va le faire".
Marion Bartoli: Vous avez aussi dû ramener tout le matériel sur place…
Tom Cruise: Bien sûr, on a tout ramené, on a dû construire cette rampe. L’ingénierie, la technologie qu’il a fallue… C’est ça que j’aime dans le cinéma, ça pousse l’art à tous les niveaux. C’est beau d’avoir pu faire ça.
"Il y a toujours une nouvelle montagne à gravir"
Marion Bartoli: Tu évoques le mental d’athlète qu’il te faut acquérir pour ces scènes d’action. Quel enfant étais-tu? Agité et hyperactif, ou calme et rêveur? Tu avais déjà ce mental d’athlète tout petit ou ça t’est venu plus tard?
Tom Cruise: Quand j’étais plus jeune, j’avais l’habitude d’écrire des sketchs. Ça m’a amené au cinéma. Puis en étudiant le cinéma, j’ai trouvé qu’il y avait une grande notion "physique" dans les films. Au départ, j’écrivais des sketchs en famille pour les faire rire, j’ai toujours raconté des histoires, surtout à mes sœurs. Autour d’un feu de cheminée ou la nuit pour aider ma petite sœur à trouver le sommeil… J’ai toujours eu cette imagination. D’un autre coté, à 3-4 ans, il m’arrivait déjà de marcher sur le toit de notre maison pour voir les étoiles. Ce côté intrépide et physique est venu naturellement, c’est une progression dans la manière de raconter mes histoires. Pour pouvoir utiliser tous les aspects de ma personnalité.
En faisant des films, j’ai réalisé que mon corps était un outil. Donc tu dois l’entrainer. J’ai toujours rêvé de faire les choses que je fais maintenant. Piloter des avions, voyager à travers le monde, faire du parachute, de la wingsuit… Apprendre toutes ces choses et raconter des histoires avec… Quand tu regardes un athlète, il y a un tel niveau de capacité artistique. Pour moi, l’évolution de l’art, c’est la maitrise des compétences. En fait, c’est inspirant de regarder un athlète. C’est pour ça que je te respecte autant. Je respecte ton histoire, tout ce que tu as accompli. Tu sais ce que ça requiert d’arriver à ce niveau d’excellence. L’implication qu’il faut. Maintenant, j’ai 61 ans, et je continue ce que je fais depuis toujours. C’est un privilège. Il faut être au top physiquement bien sûr, mais aussi continuer d’étudier pour être toujours capable de bien raconter des histoires.
Marion Bartoli: Tu as 61 ans mais on dirait que tu en as 20 ! Je regardais ton film et j’avais l’impression de voir courir un sprinteur, ta manière de te tenir droit, l’intensité de la course…
Tom Cruise: Oui et quand je cours pour un film, je dois faire 50 sprints en une nuit !
Marion Bartoli: Et en costume ! Je n’arrêtais pas de me dire: mais comment il fait ? Moi, quand j’étais jeune, j’avais le rêve de devenir une championne. Et quand je l’ai accompli et que je n’avais plus rien à chasser dans le tennis, j’ai pris ma retraite et je suis allée vers de nouvelles aventures. Toi, tu as encore des rêves à accomplir dans le cinéma ?
Tom Cruise: J’ai toujours la même passion de faire des films. Toujours l’envie d’en faire un nouveau, de faire mieux que le précédent. Il y a toujours une nouvelle montagne à gravir, toujours une nouvelle histoire à raconter. Souvent, avec le réalisateur (Christopher McQuarrie), on se regarde et on se dit "on peut faire mieux, on peut faire mieux".
Marion Bartoli: Il doit être fatigué à force, il doit plus en pouvoir de toi…
Tom Cruise: Je sais ! Mais c’est un aventurier dans l’âme. Et j’ai fait tellement de films avec lui. Mais tu sais, quand je fais les castings pour mes films, je fais attention à ça. Ils me connaissent. Quand j’étais plus jeune, on me demandait "pourquoi tu pousses aussi loin ?". Parce que je pense aux spectateurs. Je ne veux rien prendre pour acquis. Je continuerai à pousser aussi fort. Si telle ou telle chose ne va pas, je ferai tout pour que ça aille, au final. Jusqu’à ce qu’on ne veuille plus de moi.
Marion Bartoli: Pour ma dernière question Tom, tu vas devoir choisir une mission à accomplir. Quelle mission choisis-tu entre: piloter un sous-marin dans l’espace, voler dans un avion de chasse piloté par James Corden, monter et dompter un grand requin blanc comme tu montes sur ta moto, ou jouer au tennis avec moi à Wimbledon avec la raquette avec laquelle j’ai gagné le tournoi et que je t’offre maintenant?
Tom Cruise: C’est vraiment la raquette avec laquelle tu as gagné Wimbledon ?
Marion Bartoli: Oui, regarde, mon nom est gravé dessus.
Tom Cruise: Tu te moques de moi ?
Marion Bartoli: Absolument pas ! C’est le seul exemplaire au monde… et cette raquette est pour toi.
Tom Cruise: Mon dieu, j’en ai des frissons… Tu as dit tellement de choses sur moi, laisse-moi te dire à mon tour que ce que tu as accompli dans ta vie, c’est inspirant. Beau et inspirant. Merci de partager ça avec moi. Et donc oui, je choisis évidemment de jouer avec toi à Wimbledon ! Ce sera un honneur. Bon, je ne ressemblerai pas à grand-chose en jouant avec toi mais ce n’est pas très grave. Je suis très heureux et très honoré ! J’ai hâte de faire ça avec toi.
Marion Bartoli: Merci !