Le film La conquête : une caricature

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
Le film était très attendu, il est sorti hier mercredi en salles. Je l'ai vu et j’ai été déçu, parce qu’il y a des années qu’on attend un vrai film français sur la politique. Il y a eu peu de tentatives et très peu ont été réussies. C’est raté. La conquête n’est pas un film sur la politique ; c’est un film dont les personnages sont des politiques. Mais comme ils sont présentés comme des ambitieux et des cyniques qui ne croient à rien, et que les idées, les convictions sont totalement éludées, absentes, l’ensemble donne une impression assez caricaturale. Une caricature trop péjorative pour être vraiment réussie.
Oui mais c’est une fiction. On ne pas reprocher au réalisateur (Xavier Durringer) de ne pas coller à l’exacte réalité…
D’accord. Le réalisateur a de toute façon le droit d’avoir un point de vue critique, négatif sur le pouvoir. Je ne suis ni censeur ni professeur d’éducation civique. Simplement, je trouve qu’il y a un très grand décalage entre la précision du casting et l’imprécision, l’exagération, la simplification jusqu’à la fausseté parfois, des situations qui sont racontées dans le film. Les comédiens ont été (bien) choisis pour leur ressemblance avec Sarkozy, Chirac, Villepin et d’autres, mais le film les condamne à être plus dans le registre de l’imitation que de la composition. Résultat : une série de saynètes décousues et des petits numéros d’acteurs talentueux mais qui sont loin, la plupart du temps, de la réalité du pouvoir.
C’est une vision poujadiste de la politique ?
Plutôt. On sait bien que les trois hommes dont on parle se sont affrontés – et même très durement entre 2003 et 2007. Et que la politique n’est pas une histoire de la comtesse de Ségur. Mais le film les réduit à des personnages de comédie. Chirac est présenté comme un personnage totalement désabusé, qui jure comme un personnage de San Antonio et qui a autant d’idéal qu’un entrepreneur de pompes funèbres. Quant à Sarkozy, le film le montre sous un jour qui est censé le rendre attachant par sa fragilité. Mais on ne voit s’exercer ni son talent politique, ni son incroyable magnétisme. Podalydès est un excellent comédien ; mais il est très en dessous de l’original !
Le sujet du film touche aussi à la vie privée des politiques : la séparation du candidat et de sa femme, en pleine campagne présidentielle...
Certes la fiction aurait pu être une bonne façon de raconter une histoire en effet assez romanesque. Mais l’équivoque entre ce qui est ressemblant et ce qui est véridique fausse le sens. En fait, le film repose sur un sophisme : comme il prétend décrire la réalité et qu’il s’attache surtout à la vie privée (la rupture du couple Sarkozy), on doit conclure que la vie privée a une part essentielle dans la politique. Or le film souligne précisément le contraire : Sarkozy a bien conquis le pouvoir pendant que son couple se désagrégeait. Son drame personnel était donc un élément secondaire. En arrivant à cette conclusion, je me suis dit que c’était une réponse aux reproches de tous ceux qui, ces jours-ci, proclament que l’intimité des hommes publics est un champ d’investigation comme les autres. Ce que je ne crois pas.
Ecoutez «le parti pris» de ce jeudi 19 mai avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :