L'Assemblée nationale vote pour la création d'un "homicide routier"

Illustration accident de la route. - SDIS 06
Réclamée par les associations de victimes, cette nouvelle dénomination a une valeur surtout symbolique et avait été soutenue par le gouvernement après le dramatique accident provoqué par l'humoriste Pierre Palmade le 10 février 2023, sous l'emprise de la drogue.
Cette proposition de loi transpartisane, adoptée à l'unanimité mais avec des abstentions à gauche, doit désormais prendre la direction du Sénat.
Une proposition de loi pas que "symbolique"
Ce texte ne change pas le quantum des peines, et vise à ne plus parler d'homicide involontaire mais "d'homicide routier", quand une ou plusieurs circonstances aggravantes existent. Il est notamment demandé par l'association du chef triplement étoilé Yannick Alléno, dont le fils a été tué par un chauffard en 2022 à Paris.
"Depuis le départ d'Antoine, nous avons mené un travail important et pédagogique pour arriver à la création de cette nouvelle infraction autonome", a-t-il déclaré à l'AFP.
"C'est quelque chose de très novateur que le code pénal s'enrichisse d'une arme supplémentaire pour cibler ces cas d'homicides routiers bien trop nombreux en France", a abondé le président de l'association Antoine Alléno.
Le président de la Ligue contre la violence routière Jean-Yves Lamant s'est quant à lui réjoui auprès de l'AFP de l'adoption "sans voix contre" d'un "texte de bon équilibre qui fait enfin évoluer le droit pénal".
Cette proposition de loi "n'est pas que symbolique, cela montre le caractère délibéré de la prise de volant et de la conduite dangereuse" et peut avoir "un effet sur la peine" que le juge prononcera, a quant à elle estimé la députée Renaissance Anne Brugnera, corapporteure du texte avec le LR Éric Pauget.
"Coquille vide" ?
Les parlementaires ajoutent aussi dans la loi de nouvelles circonstances aggravantes: non-assistance à personne en danger, utilisation par le conducteur d'écouteurs ou de téléphone à la main, consommation volontaire de façon détournée ou manifestement excessive de substances psychoactives, refus d'obtempérer et participation à un rodéo urbain.
L'homicide routier serait passible de sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende lorsqu'il n'existe qu'une seule circonstance aggravante; et dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsqu'il existe au moins deux circonstances aggravantes.
Les atteintes involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail, commises avec une ou plusieurs circonstances aggravantes, seraient dorénavant qualifiées de "blessures routières", là encore sans changer les peines encourues.
Interrogé par l'AFP, Me Antoine Régley, avocat lillois spécialiste en droit routier, s'est pourtant inquiété de ce texte qu'il qualifie de "coquille vide", sans véritable avancée derrière "le symbole".
"On ne répare pas les souffrances d'hier et on ne prévient pas les drames de demain", a-t-il ajouté, pointant le manque d'évolutions concernant l'indemnisation "des victimes et l'accompagnement psychologique".
Un texte "d'affichage" qui "sème le doute" pour la gauche
À gauche, certains s'inquiètent également de l'effacement de la distinction entre homicide volontaire et involontaire, pour un entre-deux "impossible". Ce texte "d'affichage" "sème le doute" en créant un "homicide indéterminé", regrette l'écologiste Jérémie Iordanoff, qui a réclamé des mesures comme la baisse de la limite légale du taux d'alcoolémie au volant et de la vitesse autorisée sur les routes.
Cet "homicide routier" est "un acte mixte", à la fois "involontaire car la finalité n'est pas de tuer" et "volontaire" pour "la prise d'alcool" par exemple, a répliqué le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
"Nous créons une juste qualification pour une situation qui était mal appréhendée", a-t-il estimé.
Le texte adopté aggrave par ailleurs les sanctions encourues pour conduite sous l'empire de l'alcool ou de stupéfiants, et systématise les immobilisations de véhicules et suspensions de permis.
Au total, en 2022, 3.260 personnes sont décédées sur les routes de France métropolitaine, selon les chiffres de la Sécurité routière.