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Police-Justice

Marine Le Pen condamnée: "De tels propos contre des juges, c’est nous mettre une cible dans le dos"

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Le Parquet de Paris ouvre une enquête, la deuxième en marge de ce procès, après des menaces visant les magistrats qui ont condamné Marine Le Pen lundi. Une enquête qui reflète le climat de menaces et de peur qui pèse aujourd'hui sur les magistrats.

Le parquet de Paris a ouvert mardi une nouvelle enquête après une série de menaces contre les juges ayant condamné lundi Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires d'eurodéputés du Front national (ancêtre du Rassemblement national). La cheffe de file de l'extrême droite a écopé de 4 ans de prison dont 2 ans ferme aménagés sous bracelet électronique, une amende de 100.000 € et une peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate.

"La liberté de parole, y compris en ligne, a pour limite la mise en danger des personnes", a précisé la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau. La présidente du tribunal qui a rendu la décision, est placée sous protection depuis lundi. Une situation "absolument inacceptable" a dénoncé mardi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

C'est la deuxième enquête ouverte en marge de ce procès. Elle s’ajoute à une première procédure ouverte en janvier dernier. Celle-ci concernait déjà des menaces de mort publiées sur un site d’extrême droite visant la présidente de la 11e chambre ainsi que les deux procureurs qui avaient requis de la prison et de l’inéligibilité contre Marine Le Pen et ses co-prévenus.

Juste après le jugement lundi, un flot de messages hostiles à la magistrate a déferlé sur les réseaux sociaux. La photo de la présidente a circulé, accompagnée d’insultes, d’intimidations et de menaces. La juge est depuis placée sous protection avec des patrouilles de police régulières autour de son domicile parisien. Les auteurs de ces menaces sont en cours d’identification par la police judiciaire.

Une dizaine de juges sous protection rapprochée en France

Une actualité qui met en lumière le climat de menaces et de peur qui pèse sur les magistrats. Selon le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, 150 juges font l’objet de menaces en ce moment en France. Une dizaine d’entre eux sont sous protection rapprochée.

"De tels propos contre des juges, c’est nous mettre une cible dans le dos", s’alarme un magistrat. Le sujet des menaces est aussi tabou que brûlant dans la profession. Pourtant, il ne semble épargner personne, selon Ludovic Friat, président de l’Union Syndical des Magistrats.

“Se prendre un banc dans la figure, un téléphone dans la figure, on l’a tous vécu. Je pense que la menace a pris une autre dimension ces dernières années. Les juges se disent ‘là j’ai un dossier sensible, si je prends telle ou telle décision cela aura telle ou telle conséquence'”, appuie-t-il.

Et cela ne concerne plus seulement les dossiers de grand banditisme précise une juge aux affaires familiales menacée. D’après le syndicat, une quarantaine de ses adhérents juge ou procureur est menacé sérieusement.

Ludovic Friat appelle les responsables politiques à cesser les attaques contre les juges. "Il faut faire attention de ne pas aller trop loin si on y est pas déjà pour ne pas complètement dégrader nos institutions. On a besoin d’une autorité judiciaire forte et indépendante pour fonctionner", appuie-t-il. Pour le magistrat, de telles attaques proférées par des élus risquent dangereusement d’ouvrir la voie à une violence décomplexée contre les juges.

Pierre Bazin et Constance Bostoen avec Guillaume Descours