Procès Le Scouarnec: "Il a endormi tout le monde avec ses aveux dès le début", regrette une victime

C'est le dernier jour des interrogatoires ce mardi au procès de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, jugé à Vannes pour des viols et agressions sur 299 personnes. Il est interrogé une dernière fois par la cour criminelle du Morbihan. L'occasion peut-être d’éclaircir les nombreuses zones d’ombre qui persistent dans le dossier.
"J'en suis responsable"
Dès la matinée, l'accusé a estimé qu'il était "responsable" de la mort de deux de ses victimes pendant l'instruction. "Vous est-il arrivé de penser parfois à certaines des victimes?", demande à l'accusé la présidente de la cour criminelle du Morbihan lors de son dernier interrogatoire. Il répond conserver notamment le souvenir des deux jeunes hommes dont les photos ont été projetées à l'audience. "(Ils) sont morts: j'en suis responsable", lâche-t-il, la voix tremblante.
Il s'agit de Mathis Vinet, mort d'une overdose en 2021 et dont les proches estiment qu'il s'est suicidé, et d'un autre homme, retrouvé pendu à son domicile en 2020. Du premier, il a retenu l'identité complète, du second, il n'a en tête que le patronyme. Il a agressé sexuellement les deux garçons à l'hôpital de Quimperlé (Finistère) alors qu'ils n'avaient que 10 et 12 ans respectivement.
"J'ai encore l'image de ce père de famille avec sa petite fille sur les genoux, et qui n'est plus là à cause de moi", lâche Joël Le Scouarnec, semblant réprimer un sanglot devant un tribunal comble.
"Archicoupable"
Depuis le début du procès le 24 février, l'accusé a pourtant souvent montré à la cour un visage impassible et fait des déclarations succinctes et répétitives, d'un débit posé. Le 20 mars, il a reconnu en bloc l'ensemble des faits pour lesquels il est jugé à Vannes, et même d'autres, prescrits ou qui font l'objet d'une nouvelle procédure, comme des violences sexuelles sur sa petite-fille, révélées en pleine audience. "Il est archicoupable" et ne cherche pas à fuir ses responsabilités, a insisté l'un de ses avocats, Me Maxime Tessier.
Mais l'ex-chirurgien pédocriminel, qui purge déjà une peine de 15 ans de réclusion pour des viols sur mineurs après une condamnation à Saintes (Charente-Maritime) en 2020, assure n'avoir aucun souvenir précis des faits ou des victimes. Il assure toutefois mardi avoir "pris la mesure" de ses actes et "de la souffrance des victimes".
"Une libération"
"Pour moi, la prison a été une libération" car elle l'a empêché, selon lui, de continuer ses violences pédocriminelles. "Je sais ce que je suis au fond de moi, je suis intimement persuadé que jamais je ne pourrais porter la main sur un enfant", insiste-t-il.
"Il nous a enfermé"
Mais sur le banc des parties civiles, on n’attend plus rien de l’accusé. Voilà trois mois que Joël Le Scouarnec répète les mêmes excuses, reconnaît tous les faits qui lui sont reprochés mais invoque trop souvent des pertes de mémoire.
Face à l’attitude de l’ancien chirurgien, que beaucoup de victimes qualifient d’ultime perversion, elles sont nombreuses comme Marion à ne plus rien attendre de lui: "Il détient la vérité, il la dicte à ses victimes, si c'est écrit c'est que je l'ai fait.
"Il nous a enfermés, il a endormi tout le monde avec ses aveux dès le début. Donc je ne crois pas à un grand retentissement, ou alors ça ferait écho à sa perversion", soupire la jeune femme.
Pourtant, il sera questionné toute la journée notamment par les nombreux avocats, mais là encore Maître Bucquet, qui représente Innocence en Danger, redoute qu’il garde sous silence ce qu’il a toujours voulu taire: "Est-ce qu'il va nous apporter des précisions notamment sur la connaissance que pouvaient avoir les uns et les autres de sa pédocriminalité, de ses agissements, qui sont encore des zones d'ombre bien précises?"
"Il y aurait encore tant à dire et ça ne viendra pas de lui", conclut-elle.
Certaines victimes craignent d’être confrontées une fois encore à la perversion d’un homme qui a laissé nombre d’entre elles dans l’ignorance de ce qui leur est vraiment arrivé. Joël Le Scouarnec encourt à Vannes 20 ans de réclusion. Le verdict est attendu le 28 mai.