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Cabinets de conseil: ce que montre le rapport de la Cour des comptes sur les usages inappropriés

McKinsey (illustration)

McKinsey (illustration) - AFP

Dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré revient sur les usages inappropriés des cabinets de conseil par l’Etat, pointés par un rapport de la Cour des comptes.

La Cour des comptes a rendu ce lundi un rapport sur l’utilisation par l’Etat des cabinets de conseil. Et elle confirme un usage inapproprié. "C’est une solution de facilité", dit la Cour des comptes. Dans l’administration, lorsqu’un problème complexe se pose, on fait trop souvent appel à des cabinets comme le célèbre McKinsey ou comme Boston Consulting Groupe, Roland Berger, Accenture, Capgemini…

Le rapport cite un certain nombre d'exemples inappropriés. En 2018, le ministère de l’Education nationale veut réorganiser la direction de l’enseignement scolaire, c'est-à-dire le cœur de son administration. Une tâche essentielle qui devait revenir à l’inspection générale du ministère mais qui est confiée à deux cabinets d’avocats et de consultants, E.Y et BCG.

Autre exemple, la gestion des radars. Le ministère de l'intérieur devrait être capable de s’occuper des radars parce que c’est une mission régalienne et permanente. Leur gestion a pourtant été externalisée. Quand le ministère des Transports se penche sur la question des concessions autoroutières, il se fait conseiller par le privé. Quand le ministère de l'Ecologie veut une étude sur les mobilités, il la confie à deux cabinets privés. La Cour des comptes s'étonne et souligne que ces exercices relèvent des administrations centrales.

Les spécialistes du conseil, cités par Le Monde, parlent de missions "doudou". C'est-à-dire que l’administration utilise les cabinets de conseil comme les enfants utilisent leur doudou, essentiellement pour se rassurer. Ou bien pour arbitrer lorsqu’il y a un conflit au sein du ministère…

Pourtant, l’administration dispose souvent des compétences nécessaires. La Cour des comptes regrette que l’Etat ne fasse pas assez d’efforts pour s’assurer que les compétences n’existent pas en interne, alors que les inspections générales des administrations rassemblent environ 1.000 cadres compétents. Sauf qu'à compétence égale, trop souvent, les consultants du privé sont considérés comme plus légitimes que les fonctionnaires.

L’Etat est nul en informatique

C’est dans le domaine de l’informatique que l'État fait le plus appel au privé. Et la Cour des comptes ne s’en offusque pas. Elle semble considérer que dans ce domaine, effectivement, les administrations sont en droit d'externaliser le travail. Les trois-quarts des sommes dépensées par l'État concernent les logiciels. C’est un livre, "Les infiltrés", qui avait été le premier à révéler l’emprise tentaculaire des cabinets privés et qui avait soulevé ce lièvre: l’Etat est absolument nul en informatique. Il n’embauche plus d’informaticiens, il délègue tout à l'extérieur. A une exception près. L’administration fiscale est la seule qui garde la maîtrise de ses systèmes informatiques.

Pour le reste, même le ministère de la Défense ou de l'Education nationale ont par le passé confié au privé la gestion des fiches de payes et cela a donné des catastrophes.

La Cour des comptes constate tout de même que l’Etat a fait des efforts. A la suite d’une circulaire de Jean Castex, alors Premier ministre, les dépenses ont effectivement baissé de 15% en 2022 par rapport à 2021. Et elles devraient encore baisser cette année. C’est la conséquence de ce que l’on avait appelé le scandale McKinsey, révélé par une commission d'enquête du Sénat.

Le rapport dénonçait deux choses. Le fait que l'État se reposait trop sur les cabinets de conseil, c’est donc ce que la Cour des comptes vient de confirmer. Mais les sénateurs s'interrogeaient aussi sur le rôle des dirigeants de McKinsey dans les campagnes présidentielles d’Emmanuel Macron de 2017 et 2022. Et sur un possible délit de favoritisme. Sur ce volet, une instruction a été ouverte fin 2022. L’affaire McKinsey n’est donc pas terminée…

Nicolas Poincaré