Cécile Duflot: "La GPA mérite du temps et du calme, pas des postures politiciennes"

C’est très dommage de faire de cette question un enjeu politicien de posture parce qu’elle mérite du temps et du calme. Dans un premier temps je trouve ça mieux que ce soit un débat de femmes. Car c'est au croisement de trois sujets, la liberté des femmes, la marchandisation des corps et la place des enfants.
La liberté des femmes est essentielle: quand on a un utérus, on peut décider de ne pas vouloir s'y voir développer une grossesse. Donc le droit à l'IVG est intangible.
Mais c'est vrai que ça me questionne. Est-ce qu'une femme, en toute liberté, peut décider de vouloir accueillir dans son ventre et d'y faire grandir un bébé pour d'autres parents ? Honnêtement, cette question se pose parce que même moi j'aurais pu me la poser.
"Ca ne rend pas mère de porter un enfant"
Aujourd'hui, on est dans une situation un peu hypocrite où on légalise des enfants qui sont nés de GPA à l'étranger. C'est bien pour les enfants, on ne va pas les laisser sans parents. Mais de fait, on laisse faire une situation sans que ce soit possible en France.
Typiquement, sur le don d'organes, ce n'est pas possible. Vous ne pouvez pas acheter des organes à l'étranger. Le don d'organes, il est encadré de façon très éthique.
En France, il est gratuit. Mais si vous achetez des organes à l'étranger, vous commettez un délit. Et donc, je crois qu'il faut qu'on débatte de cette question.
Soit il y a le chemin de l'Italie, où c'est totalement impossible et c'est criminel. Je pense que ça mérite discussion. Soit on peut imaginer que ça se passe différemment.
Et en tout cas, il y a une partie de moi qui sait profondément que porter un enfant, ce n'est pas comme donner son sang ou donner un rein. Parce qu'il se tisent des choses entre la femme qui porte le bébé et le bébé. D'ailleurs, il y a un excellent podcast qui s'appelle In Utero qui raconte les dernières découvertes scientifiques sur le sujet. Donc, on est obligé de considérer qu'il se passe quelque chose. Mais en même temps, ça ne rend pas mère de porter un enfant.
"Pour ma soeur ou des proches, pas sûre que ça m'aurait posé un problème"
J'ai beaucoup aimé être enceinte. Ça a été une grande facilité pour moi. Et je pense que si ma petite sœur, par exemple, ou quelqu'un de proche ou un couple d'hommes amis avaient eu un tel désir d'enfant et l'impossibilité d'en avoir, je ne suis pas sûre que ça m'aurait posé un problème de porter leur enfant. Parce que je trouve que c'est un tel bonheur d'être maman et d'être parent que je trouve ça dur que certains en soient privés.
En revanche, je ne pense pas du tout que ça puisse passer par de l'argent, par une anonymisation totale, c'est-à-dire qu'on cache ça à l'enfant, que cette femme disparaisse. Donc c'est un sujet très compliqué.
S'inspirer de la tradition maorie?
Mais il y a des pays, par exemple en Australie, où dans la tradition Maorie, -on a à s'inspirer parfois des peuples qui ont pensé la famille différemment-, le don d'enfants, c'est comme ça que ça s'appelle, est possible dans un cadre qui est très encadré, dans une transparence avec les enfants.
Donc ça mérite vraiment discussion et ça mériterait une vraie convention citoyenne, je pense, où on pose les choses calmement, sans s'énerver. Peut-être qu'on conclura que ce n'est pas une bonne idée. Mais en tout cas, honnêtement, pour avoir porté ces enfants, je sais que ça ne se passe pas rien. Je sais aussi, pour savoir qu'il y a plein d'enfants qui souffrent de violences intrafamiliales, que la priorité c'est les enfants et que porter un enfant, ça ne rend pas non plus mère. Et que si on s'occupe d'abord des enfants, alors il faut s'occuper de l'aide sociale à l'enfance, il faut s'occuper du fait qu'il y a un enfant sur cinq qui meurt de violences familiales en France. Un enfant tous les cinq jours.
Si on s'occupe des enfants, la priorité aujourd'hui, c'est les enfants qui sont là. Vraiment. Et les enfants qui sont là, en France, ils sont victimes de violences intrafamiliales. L'ASE n'a pas de moyens. Il faut s'occuper des enfants d'aujourd'hui.
Mais je pense qu'il ne faut pas s'interdire cette réflexion, mais vraiment pas dans un cas de politicien, parce que c'est lui faire beaucoup de mal.
Un sujet devenu trop politicien?
On voit bien qu'un certain nombre de politiques aujourd'hui, notamment de la "majorité", sont un peu coincés. Elisabeth Borne veut féminiser la devise du Panthéon... Ils s'inventent des sujets pour essayer d'exister dans le débat médiatique.
Et c'est un peu dommage quand c'est si important, si précieux, que ça touche à la vie et à la place des femmes dans la société.