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Immigration: pourquoi les politiques français se rendent au Danemark

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Dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré détaille la politique d’immigration du Danemark, qui intéresse plusieurs représentants du monde politique français.

Le Danemark à la mode. On pourrait presque parler d’un défilé des politiques français à Copenhague. Eric Ciotti s’y rend ce mardi, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran y était la semaine dernière, Nadine Morano la semaine d’avant. Un défilé pour comprendre pourquoi et comment les Danois ont choisi d’avoir depuis quelques années une politique extrêmement restrictive en matière d’immigration.

Une politique qui se traduit par de nombreuses nouvelles lois, 42 en deux ans, pour à chaque fois restreindre les conditions d’entrée au Danemark, les conditions du droit d’asile ou de l'acquisition de la nationalité…

A l'inverse, les expulsions sont facilitées. Toute condamnation à une peine de prison, même avec sursis, empêche définitivement un étranger de demander la nationalité. Toute condamnation à une peine d’amende entraîne un report de l’examen de la demande d’asile.

Le Danemark est le seul pays européen qui expulse des étrangers vers les pays en guerre, en particulier vers la Syrie. Le Journal du dimanche, qui a fait plusieurs longues enquêtes sur le sujet, raconte le cas d’un jeune garçon expulsé vers la Somalie, alors qu’il était né au Danemark, qu’il ne parlait que le danois et qu’il n’a pas d’attache familiale en Somalie. Il a malgré tout été expulsé, non pas parce qu’il a commis un crime ou un délit, mais simplement parce qu’il a arrêté ses études.

L'arrivée de nouveaux migrants découragée

Le Danemark fait tout pour décourager l'arrivée de nouveaux migrants. Et même de la publicité dans les journaux de pays d’immigration, comme le Liban, pour dire: ne venez pas, vous n'êtes pas les bienvenus.

Une loi votée en 2021 prévoit que les réfugiés, une fois leur demande d’asile déposée, seraient accueillis dans des centres situés à des milliers de kilomètres, en Ethiopie, en Erythrée ou au Rwanda, en attendant que l’asile leur soit accordé ou pas. Un peu comme les Anglais qui ont envisagé de renvoyer les immigrés clandestins vers le Rwanda. Comme en Angleterre, le projet danois n’a pas abouti pour l’instant, mais il n’est pas enterré.

Et en attendant, les demandeurs d’asile doivent venir avec suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins. Ils doivent déposer en guise de caution la somme de 7.000 euros sur un compte. Et l’Etat a le droit de se servir sur ce compte s’il l’estime nécessaire.

La nationalité danoise est très difficile à obtenir. Il faut passer des examens pour prouver que l’on parle le danois et que l’on connaît l’histoire du pays. Récemment, deux Américains, enseignants et scientifiques, n’ont pas pu renouveler leur visa et ont dû quitter le pays parce qu’ils ne parlaient pas le danois.

Le regroupement familial est devenu quasi impossible. En cas de naturalisation, il est interdit de quitter le pays jusqu'à une cérémonie au cours de laquelle on sert la main des nouveaux Danois. Mais cette cérémonie peut intervenir jusqu'à deux ans après le décret. Deux ans pendant lesquels on peut être interdit de voyage.

Des étrangers contraints de déménager

Les étrangers peuvent aussi être obligés de déménager. C’est la mesure la plus spectaculaire, celle qui serait certainement impossible à mettre en œuvre dans la plupart des pays européens et en France en particulier. Les autorités ne veulent pas que des quartiers soient entièrement habités par des étrangers, ou même par des Danois d’origine étrangère. Dans ce quartier, pour laisser la place aux Danois de souche, on peut forcer des familles à déménager…

Dans le Journal du dimanche, une Danoise d'origine bosniaque raconte qu’elle a reçu l’ordre de quitter son quartier et que des policiers sont aussitôt venus vider sa cave. Dans ces quartiers dits difficiles, pour lutter contre l'insécurité, la loi prévoit des peines plus lourdes que dans le reste du pays.

Et pourtant, le Danemark est dirigé par un parti de gauche. Les sociaux-démocrates ont gagné les dernières élections et ont poursuivi la politique que la droite avait mise en place ces dernières années. La Première ministre, issue de la gauche, est surnommée “la dame de fer”. Les sociaux-démocrates expliquent qu’il se sont convertis à ce qu’ils appellent une politique réaliste et que grâce à cela, l'extrême droite s’est écroulée.

En novembre dernier, effectivement, le parti populiste, que l’on peut comparer au Front national, est passé de 22% à 2%. Ce qui a fait dire à Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, depuis Copenhague, que l'extrême droite danoise est “au tapis”, mais il ajoutait "mais à quel prix".

Et en réalité, c’est un peu plus compliqué que cela parce que de nouveaux petits partis très à droite ont émergé et totalisé près de 15% des suffrages.

Cette politique a montré ses limites. Les Danois ont réussi à décourager une grande partie de l’immigration illégale et des demandes d’immigrations légale. Et il y avait un consensus pour cela dans ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants. Seulement, le taux de natalité est extrêmement faible. Les Danois ne veulent plus d'étrangers mais ils font de moins en moins de bébés danois.

Et le pays manque déjà cruellement de main d'œuvre, en particulier dans tous les métiers du soin et des services à la personne. Il est assez vraisemblable que dans les années qui viennent, le Danemark sera obligé d’encourager l’immigration pour faire tourner ses crèches, ses écoles et ses Ehpad…

Nicolas Poincaré