La fin de règne difficile d’Emmanuel Macron: “la disgrâce était inévitable”

Le plus dur dans la vie, ce n'est pas de commencer, c’est de terminer. C’est pareil pour le pouvoir. Au début, on est portés par l’enthousiasme, on promet tout et surtout n’importe quoi. Les Français sont dans le même état, donc ils vous croient. C’est l’état de grâce et cinq ans après, c’est la disgrâce.
Mais comment expliquer cet espèce de cafard des fins de règne? À la fin, on ne surprend plus personne. On a fait le tour de votre personnalité. C’est comme un couple. On se lasse de tout, même du général de Gaulle. Abîmé par les événements de Mai 68, un peu ringardisé, le général perd un référendum en 1969. Alors que personne ne lui demandait de partir, il prend la mouche et démissionne.
François Mitterrand n’échappe pas non plus à la malédiction. Rongé par son cancer à partir de 1992, il passe ses journées au lit. Pendant les deux dernières années, il ne gouverne plus et laisse son Premier ministre gérer les affaires courantes. Même scénario pour Jacques Chirac. Il fait un AVC en 2005. Il en ressort affaibli, diminué, et clairement, il ne va pas se passer grand-chose pendant les deux dernières années. La vérité, c’est qu’une fin de règne, c’est souvent l’enfer.
Mais d’où ça vient, cette expression “fin de règne”?
C’est une référence à la monarchie. Quand un nouveau roi arrivait, en général, il était très populaire. Et puis les années passaient, on en avait marre et à la fin, on n’en pouvait carrément plus. Imaginez un peu. Au bout de cinq ans, on ne supporte plus nos présidents, mais à l’époque, ça durait des décennies et des décennies. Et en plus, impossible de le faire partir. De mémoire d’historien, 90% de nos rois sont morts détestés pour avoir régné trop longtemps. En bref: ils nous saoulaient. Et plus rien ne fonctionnait.
Prenons l’exemple de Louis XIV: il a régné pendant 72 ans. C’est un bon exemple puisque la première partie de son règne s’est très bien passée. Il gagnait toutes ses guerres, il agrandissait le territoire. La France ne s’était jamais autant enrichie. Et puis quinze ans avant sa mort, il a pété un plomb en se lançant dans une nouvelle guerre. Celle de trop. Ça s’appelait la guerre de Succession d’Espagne, on enchainait défaite sur défaite. Bref, il a tout perdu. Il a ruiné la France pour un siècle. Ce roi si beau, si grand, si fort, est mort, détesté.
Et pourtant aujourd’hui, il passe pour un grand roi, le roi soleil. Il faut garder son sang-froid. Une fin de règne difficile ne signifie rien pour l’avenir. Vous pouvez faire une fin de règne désastreuse, et retrouver votre popularité plus tard. Vous avez cité Louis XIV, mais ça marche aussi avec Jacques Chirac, que plus personne ne pouvait voir en peinture à la fin de son mandat. Aujourd’hui, tout le monde l’adore. La postérité, ce n'est pas un sprint, c’est un marathon.