Loi immigration: comment le Rassemblement national profite du coup politique

Deux jours après le rejet du projet de loi sur l’immigration, le Rassemblement national triomphe. Le parti de Marine Le Pen apparaît comme le vainqueur de la séquence. Et une image symbolise ce moment devenu historique. Lundi, à l’annonce du vote de la motion de rejet de la loi sur l’immigration, Marine Le Pen a levé les deux pouces en signe de victoire, un peu comme le faisaient les empereurs romains.
Elle a ensuite sorti le champagne avec ses députés et de nouveau brandi une coupe mardi matin devant ses proches. Elle a salué sa plus grande victoire politique depuis le début du quinquennat.
Elle a confié à l’hebdomadaire L’Obs que c'était un tournant, “la fin du sectarisme”, puisque toutes les oppositions ont accepté de voter ensemble, et donc avec le Rassemblement national.
La stratégie de dédiabolisation et de modération du RN
La présidente du Rassemblement national envisage maintenant de passer à la vitesse supérieure. C'est ce que Le Figaro appelle l’acte 2. L’acte 1, c'était l'acquisition d’une respectabilité pour les 88 députés RN. Avec notamment la politique de la cravate, puisque les élus (masculins en tout cas) étaient tous cravatés, polis et respectueux du règlement, contrairement aux élus insoumis adeptes du bruit et de la fureur.
L’acte 2 consiste à aller plus loin, à voter les textes du gouvernement lorsqu’ils vont dans le bon sens, à faire des propositions de loi, techniques et solides. Le RN veut apparaître comme un parti de gouvernement.
L'enquête du Figaro révèle que le beau-frère de Marine Le Pen, Philippe Olivier, est à la manœuvre. C’est un des artisans de la stratégie de dédiabolisation et de modération.
Il rencontre un à un les députés pour les inviter à se spécialiser et au passage, Philippe Olivier repère quels sont les députés RN qui pourraient devenir ministres ou secrétaires d'Etat le jour venu.
Une récente étude de Kantar pour Le Monde et Franceinfo a confirmé que le Rassemblement national s’est normalisé. Depuis quarante ans, les mêmes questions sont posées aux sondés. Cette année, pour la première fois, ils sont une majorité a estimé que le Rassemblement ,ational n’est pas un danger pour la démocratie. Jean-Luc Mélenchon est désormais jugé plus dangereux que Marine le Pen.
Pour la première fois, aussi, les sondés sont plus nombreux à penser que le RN peut participer à un gouvernement que ceux qui le voient comme un éternel parti d’opposition.
Marine Le Pen commente cette étude de la manière suivante: "Cela nous pose comme une alternance crédible. Dans les milieux économiques, dans la haute fonction publique, l'idée s’installe que nous allons arriver au pouvoir."
L'affaire des assistants parlementaires
En revanche, Marine le Pen vient d’avoir une mauvaise nouvelle judiciaire. Elle est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour détournement de fonds publics, dans l'affaire des attachés parlementaires qui étaient payés par le Parlement européen mais qui travaillaient pour le parti.
Marine le Pen sera jugée avec son père et avec 25 autres personnes à l’automne prochain. Un procès de deux mois en octobre et novembre 2024. Elle risque une peine d'inéligibilité qui l'empêcherait d'être candidate à la présidentielle.
La décision sera rendue début 2025. Si elle est condamnée, elle pourra faire appel et il y aura un nouveau procès en 2026.
En cas de nouvelle condamnation, elle pourra se pourvoir en cassation et l'arrêt serait possiblement rendu début 2027, c'est à dire juste avant la présidentielle. C’est une épée de Damoclès qu’elle a au-dessus de sa tête.