Pesticides: pourquoi le gouvernement abandonne l'indicateur français Nodu?

C'est l’une des mesures phares annoncées par Gabriel Attal mercredi 21 février. Le Premier ministre a fait savoir que la France renonçait au Nodu, l'indicateur jusqu'ici utilisé pour mesurer la réduction de l'usage des pesticides, fortement contesté par le syndicat agricole majoritaire FNSEA et l'industrie des pesticides.
C'est désormais l'indicateur européen HRI-1 ("indicateur de risque harmonisé") qui servira de référence, le gouvernement jugeant qu'il prend davantage en compte la notion de risque pour la santé des pesticides et plus seulement les quantités utilisées, et surtout qu'il permettra des comparaisons européennes. “Il faut arrêter de penser franco français” a dit Gabriel Attal.
Des résultats diamétralement différents entre les deux indicateurs
Une mesure décriée par les écologistes et "un tour de passe passe", disent certaines ONG. Pourquoi? Parce que le nouveau thermomètre, européen donne des résultats totalement différents.
C’est l’association Générations futures qui a fait le comparatif. Elle a regardé les chiffres disponibles sur 10 ans. Selon l’indicateur français, le bilan n’est pas brillant, avec une hausse de l'utilisation des pesticides de 3% en 10 ans, entre 2011 et 2021.
Parallèlement, selon les données de l'indicateur européen, la France a des résultats bien meilleurs : -32% de recours aux pesticides sur la même période. Ce qui fait dire à l’ONG que c’est une manipulation qui arrange bien le gouvernement pour présenter de bons résultats.
Dangeroristé et quantités
Ces différences de résultats s'expliquent par une méthode de calcul qui n'a rien à voir. Jusque là, la France défendait son propre indicateur, franco-français, créé il y a 15 ans : le fameux NODU, pour “nombre de doses unité”. Il mesure les volumes en se basant sur les ventes de pesticides et comptabilise un nombre de doses de traitements utilisés.
Le problème, c’est que cet indicateur met un peu tous les produits dans le même sac, il ne prend pas en compte leur dangerosité. Selon les agriculteurs, il ne reflète pas ainsi leurs efforts de réduction des produits les plus toxiques. Le recours aux pesticides les plus à risques ont chuté de 87% sur la même période, ce qui ne se voit pas dans l'augmentation des 3%.
L'indicateur européen, le HRI-1, pour “indicateur de risque harmonisé”, a été lancé par la Commission européenne, et prend en compte dans son calcul, à la fois les quantités utilisées et la dangerosité des produits. Les pesticides sont classés en 4 catégories en fonction de leur niveau de risque, avec des coefficients qui dans le calcul, vont favoriser la diminution des produits les plus nocifs.
Pour les ONG, ce changement demeure un leurre car l'indicateur comporte lui aussi des biais. Les coefficients seraient trop faibles pour un certain nombre de produits et il serait possible d'avoir de meilleurs résultats en utilisant un produit dangereux en faible quantité, plutôt qu’un pesticide sans risque, mais qui nécessite des doses plus importantes.
L'agriculture biologique défavorisée
Ce mode de calcul, toujours selon les ONG, s'avère être totalement contre productif du fait qu’il pénalise l’agriculture biologique. En bio, on utilise certains produits autorisés qui ne présentent pas de risque mais en plus grande quantité. Subtilité qui n'est pas suffisament pris en compte par l’indicateur européen.
Ces deux indicateurs pourraient être complémentaires ou bien un nouvel outil aurait pu être mis en place. Cependant, l'urgence du gouvernement à répondre à la crise agricole l'a poussé à céder sur ce point sensible. L’objectif de réduire de 50% l’usage des pesticides est bien maintenu à horizon 2030 et sera le point majeur du plan Ecophyto 3 qui sera détaillé lors du Salon de l’Agriculture.