“Un jeu dangereux”: les réactions politiques après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée

Marine Le Pen réagit aux résultats des élections européennes et à l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024. - JULIEN DE ROSA / AFP
Dans une allocution tenue depuis l'Élysée une heure après les premières estimations, le chef de l'État a surpris les Français en décidant de leur "redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote".
Les élections législatives auront lieu les 30 juin et 7 juillet prochains, a-t-il annoncé, défendant une "décision grave, lourde". "Mais c'est avant tout un acte de confiance", a-t-il assuré, alors que le camp présidentiel était déjà en situation de majorité relative et pourrait être contraint à une cohabitation en cas de victoire du RN à quelques jours des Jeux olympiques de Paris.
Cette dissolution est la sixième sous la Vème République, et ne s'est présentée que huit fois en plus de cent ans. La dernière, décidée par Jacques Chirac en 1997, a vu la gauche remporter une majorité des sièges, donnant lieu à la nomination du socialiste Lionel Jospin à Matignon et à la cohabitation.
Victoire du RN
Avec 31,8 % des voix selon selon l’estimation Elabe pour RMC, BFMTV et La Tribune Dimanche, le Rassemblement national a en effet frappé un grand coup aux européennes, réalisant son meilleur score dans une élection nationale (hors second tour) et va contribuer de manière décisive à la montée en puissance du camp nationaliste et souverainiste au Parlement européen, principal enseignement du scrutin au niveau des Vingt-Sept.
"Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance", a lancé Marine Le Pen, triple candidate à l'Élysée. "Nous sommes prêts à redresser le pays, prêts à défendre les intérêts des Français, prêts à mettre fin à cette immigration de masse, prêts à faire du pouvoir d'achat des Français une priorité, prêts à entamer la réindustrialisation du pays", a-t-elle détaillé.
Son "poulain" Jordan Bardella s'était auparavant félicité d'un "désaveu cinglant" pour le chef de l'État, l'appelant à la dissolution. Il fait désormais figure de favori pour Matignon. Eric Zemmour, quant à lui, appelle à “la plus vaste union des droites”.
Valérie Hayer admet la défaite
La liste macroniste de Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue du grand public, est en effet reléguée très loin derrière le RN avec moins de la moitié des voix, entre 14,7% et 14,9%. Cette dernière a reconnu la défaite:
“Malgré tous nos efforts, nous n'avons pas su vous convaincre de nous placer en tête”.
"Le président de la République l'a dit: leur choix ne peut pas rester sans réponse. Le président de la République a choisi de leur redonner la parole, pour moi, on ne se trompe jamais quand on donne la parole aux Français", a-t-elle poursuivi.
"Ce jeu-là est extrêmement dangereux", assure Glucksmann
Les macronistes semblent néanmoins avoir sauvé la deuxième place, juste devant Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) qui s'inscrit entre 14 et 14,2%, soit plus du double de son résultat de 2019.
"Cette dissolution exigée par Jordan Bardella restera une tache" sur la présidence Macron, a souligné l'eurodéputé. "La majorité présidentielle et le président de la République lui-même se sont avérés complètement incapables - et la décision de ce soir vient encore de le montrer - de faire face à leur responsabilité historique", selon Raphaël Glucksmann pour lequel "ce jeu-là est extrêmement dangereux".
La France insoumise "ne craint pas le peuple"
Derrière lui, La France insoumise de Manon Aubry améliore son score par rapport aux précédentes européennes (9,1% à 9,5%), et envoie notamment la militante franco-palestinienne Rima Hassan à Bruxelles. À gauche, les cartes seront assurément redistribuées dans les prochains jours en vue des législatives, alors que l'alliance Nupes bat de l'aile depuis plusieurs mois.
Malgré tout, LFI assure ne pas “craindre” le peuple. "Puisqu'il y a une élection, (c'est l'occasion) de réaffirmer très haut et très fort, que quand on est insoumis et insoumises, on ne craint pas le peuple. C'est le contraire", a déclaré Jean-Luc Mélenchon, qui s'exprimait devant des militants lors de la soirée électorale de LFI à Paris.
Emmanuel Macron "a eu raison de dissoudre l'Assemblée", a ajouté le triple candidat à la présidentielle.
"Il n'a plus aucune légitimité pour continuer la politique qui est la sienne. Il n'a plus aucune légitimé pour continuer le système de maltraitance sociale généralisée auquel il se livre", a-t-il déclaré.
"J'en appelle à la jeunesse de ce pays, aux quartiers populaires, à tous ceux qui finalement ont subi les affres de la politique antisociale du gouvernement, j'en appelle à leur mobilisation parce que ce sont les prochaines semaines qui vont être décisives", a déclaré pour sa part sur France 2 l'eurodéputée Manon Aubry, fraîchement réélue.
Les Républicains seul sous ses "couleurs"
Mené par François-Xavier Bellamy, le parti Les Républicains n'a pas réussi à faire mieux que 7 à 7,2%, devant la liste Reconquête de Marion Maréchal, tout juste au-dessus des 5% nécessaires pour envoyer des députés au Parlement européen.
La décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale était "la seule solution" après les résultats des élections européennes dimanche, a affirmé le patron du parti Les Républicains, Eric Ciotti.
Ciotti a précisé que LR irait seul sous ses "couleurs" aux législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, "sans aucune forme de coalition, de coopération, de collaboration avec ce pouvoir qui a tant abîmé la France". Ce qu'a confirmé après lui, sur LCI, la tête de liste LR lors de ces élections européennes, François-Xavier Bellamy.
"Nous voulons incarner une alternance, parce que nous devons incarner une espérance... Notre message est très simple, nous allons défendre nos couleurs, comme nous l'avons fait durant cette campagne européenne... pour redonner confiance en notre vie démocratique", a-t-il dit.
"Ça suffit maintenant la confusion, les débauchages, les reniements, les contradictions permanentes... Nous avons besoin de retrouver le sens de la clarté des engagements", a poursuivi François-Xavier Bellamy.
Une union de la gauche aux législatives?
Enfin, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a invité dimanche la gauche à travailler à un "rassemblement utile" pour les élections législatives de juin consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron.
"Il y a un rapport de forces ce soir qui a évolué" entre les partis de gauche après les européennes, a souligné le député socialiste, dont le candidat Raphaël Glucksmann est arrivé en tête des listes de gauche. Il a appelé "chacun à réfléchir aux meilleures conditions pour un rassemblement qui permette d'avoir un projet, qui permette d'être entendu par les Français".
“Une seule bannière : front populaire. Nous appelons Olivier Faure, Fabien Roussel, Marine Tondelier, Manuel Bompard à la porter, ensemble. Insoumis, communistes, socialistes, écologistes. Unis. Pour éviter le pire, pour gagner”, a écrit sur X (Twitter), François Ruffin, député LFI.