Victoire de Benoît Hamon à la primaire à gauche: "un vote sanction pour l'exécutif en place"

- - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Yves-Marie Cann, directeur des études politiques à l'institut de sondage Elabe:
"On constate que Benoît Hamon a transformé l'essai après être sorti en tête des suffrages au premier tour. La dynamique s'est confirmée à l'occasion de ce second tour. Il semble donc que le débat de l'entre-deux-tours n'a pas fait bouger les lignes. De même, le surcroît de participation au second tour (près de 300.000 votants supplémentaires) n'a pas permis à Manuel Valls de gagner.
Benoît Hamon doit, pour beaucoup, sa victoire à sa proposition sur le revenu universel et sur laquelle il avait centré une bonne partie de sa campagne. Cela lui a permis d'incarner le changement et de répondre à l'attente de changement qui existe auprès des électeurs de gauche. Surtout, cette proposition a été un marqueur de gauche très important, qui constitue la promesse d'un candidat qui portera haut et fort les valeurs de la gauche dans la campagne présidentielle.
"La victoire de Hamon s'explique par le vote des électeurs de la gauche non socialiste"
Les résultats de cette primaire illustrent bien un vote sanction pour l'exécutif en place. On a bien vu lors du débat de l'entre-deux-tours que l'on faisait face à deux logiques, deux gauches difficilement réconciliables. Certes elles se retrouvaient sur un certain nombre de points mais elles s'affrontaient sur bien d'autres. Elles défendaient des visions radicalement opposées. A tel point que l'on en est arrivé à un clivage entre gauche de conviction et gauche de responsabilité, ou gauche de gouvernement contre gauche utopique. Le fait est que, avec Benoît Hamon, c'est la gauche utopique, la gauche de conviction qui a gagné.
Ce résultat illustre aussi l'état de divisions dans lequel se trouve aujourd'hui la gauche. Certes le score de Benoît Hamon est incontestable mais, en même temps, lorsqu'on regarde dans le détail la sociologie de l'électorat on voit que les sympathisants socialistes qui ont voté pendant ce second tour apparaissent comme extrêmement partagés. Au final, ils se répartissent à 50-50 entre Valls et Hamon. Ce qui veut dire que la victoire de Benoît Hamon s'explique par le vote des électeurs de la gauche non socialiste, venus du Front de gauche et d'EELV. Eux aspirent à une orientation davantage à gauche et cela pourrait donc être une source de difficultés, dans les semaines à venir, pour Benoît Hamon dans sa quête de rassembler son camp, sa famille politique. Car une partie des sympathisants du parti et des parlementaires sont tentés de partir vers Emmanuel Macron".