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Prise de la Bastille ou fête de la Fédération: que fête-t-on réellement le 14 juillet?

On a tous appris à l’école que c’est la commémoration de la prise de la Bastille, mais c’est un peu plus compliqué.

On fête en réalité l’anniversaire de deux 14 juillet. Le 14 juillet 1789, la prise de la Bastille et le 14 juillet 90, un an après, la fête de la fédération. L’instauration de ce jour de fête nationale date de 1880. Il s’agit à l’époque de remplacer la fête de Saint Napoléon le 15 août.

Un député très à gauche, un certain Benjamin Raspail, propose la date du 14 juillet, symbole de la révolution et date cher aux Républicains. Victor Hugo est enthousiaste. Il considère le 14 juillet comme l’anniversaire de l'éveil de la liberté, et la fin de tous les esclavages. Mais des députés conservateurs s’y opposent, jugeant que la prise de la Bastille est un évènement “sanglant”. En guise de compromis, on leur fait remarquer que le 14 juillet, c’est aussi l’anniversaire d’un grand moment d’union nationale, en 1790, un an après la Bastille.

Et par conséquent, la date peut convenir à tout le monde: les révolutionnaires, les républicains, les conservateurs, et même les nostalgiques de la monarchie.

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Le 6 juillet 1880, est promulgué l’article unique d’une loi qui dit “la République adopte le 14 juillet comme fête nationale annuelle”. Sans préciser quel 14 juillet est commémoré. Et ça fait donc 141 ans que nous vivons avec cette ambiguïté, voir cette hypocrisie en célébrant en même temps une date marquée à gauche et une autre marquée à droite.

Le 14 juillet 1789, nous sommes au début de la révolution. Mais le peuple de Paris est inquiet, le roi a fait masser des troupes étrangères, des régiments suisses et allemands et on craint une intervention contre l’assemblée constituante. Une milice bourgeoise de 48.000 hommes est constituée, mais elle n’a pas d’arme.

À 10 heures du matin, une foule donne l'assaut des invalides et s’empare de 40.000 fusils et de 20 canons, mais ces émeutiers n’ont pas de munition. On se rend alors a la Bastille parce que de la poudre et des balles y sont stockés. Des négociations s’engagent avec le gouverneur qui refuse de livrer ses stocks. Dans l'après-midi, la foule attaque la forteresse. Après trois heures de combats, les révolutionnaires ont gagné. On compte une centaine de morts dans leur rang. Six morts parmi les soldats qui défendaient la Bastille. Le gouverneur, le marquis de Launay est décapité, sa tête placée sur une pique qui part dans les rues de Paris.

Le roi n’est informé que le lendemain matin à Versailles. Il demande : “C’est une révolte”, on lui répond, “Non sire, c’est une révolution”.

Et que s’est-il passé, un an après, le 14 juillet 1790?

Un an après, une grande fête est organisée en l’honneur de “fédérés”. Ce sont des milices qui dans toute la France ont remplacé l'armée royale en se fédérant en gardes nationales. Sur le Champs de Mars à Paris, on construit un énorme stade. 50.000 soldats fédérés défilent. Une messe est célébrée avec 300 prêtres et 400 enfants de chœur. Le roi est présent avec Marie-Antoinette et le jeune dauphin. Louis XVI prête serment devant la foule, jure de défendre la constitution.

Un banquet est ensuite organisé avec 22.000 couverts et la fête va se poursuivre pendant quatre jours. C’est un moment d’unité nationale, le roi pense avoir sauvé sa tête, en faisant allégeance aux révolutionnaires. Mais il se trompe, il sera guillotiné deux ans et demi plus tard. Ce sont donc ces deux anniversaires que l'on célèbre aujourd’hui…

De quand date la tradition du défilé militaire?

De 1880, de l’année de l’instauration du 14 juillet comme fête nationale. Il s’agit alors de mettre l'armée à l’honneur 10 ans après la défaite de 1870 face à l'Allemagne. Et de faire défiler les soldats pour promettre de ne pas oublier l'Alsace et la Lorraine. Les premiers défilés ont lieu à l'hippodrome de Longchamps et puis en 1919, a lieu le défilé de la victoire sur les champs Elysée. Les maréchaux Foch, Joffre et Pétain défilent à cheval en passant sous l’arc de triomphe et depuis la tradition perdure.

C’est une particularité française. Aucun autre pays démocratique ne rivalise dans ce domaine. Le défilé militaire français du 14 juillet ne peut se comparer qu’au défilé russe, Chinois ou nord-coréen. La France fait partie de ce curieux club des quatre pays qui célèbrent tous les ans leur grandeur militaire.

Nicolas Poincaré